BONNE NUIT, ALICE
UNE NOUVELLE BERCÉE PAR UN AMOUR INCONDITIONNEL
Temps de lecture : 10-12 minutes
Auteur : Récits Polyédriques © 2025
La présente nouvelle s'inspire de l'univers sombre et dérangeant de la romancière Aliénor Oval, auteure de récits étranges et inquiétants, souvent situés entre ombre et lumière, "là où le cœur palpite un peu plus fort", ainsi que d'un premier ouvrage, Anthropophage, paru en juillet 2015.
L'illustration utilisée ici est une création de l'artiste américain indépendant Charles Bae, graphiste spécialisé dans la conception de logos, l'identification visuelle, le marketing et le développement de campagnes promotionnelles pour l'industrie du jeux vidéo.
Devant moi se dresse une surface blanche et lisse à la texture souple et soyeuse, comme un mur liquide qui ondoierait paisiblement. Des cercles se dessinent par petites vagues régulières et s’agrandissent jusqu’à s’évanouir pour laisser la place à d’autres cercles. En son centre émerge lentement une main fine et délicate, entièrement couverte de cette épaisse substance laiteuse. Grande ouverte, elle s'avance dans ma direction jusqu’à toucher mes doigts qui se figent. Lorsqu’elle finit par me saisir, mon avant-bras tout entier est comme englouti par l’étrange texture, qui poursuit peu à peu son ascension jusque mon épaule. C’est à ce moment précis, alors qu’elle était remontée le long de mon cou et avait atteint mon menton, que les soubresauts de la route m’ont réveillé, me tirant brusquement de mon sommeil. J’ouvre doucement les yeux et réalise que je suis l'unique passagère.
Devant moi se dresse une surface blanche et lisse à la texture souple et soyeuse, comme un mur liquide qui ondoierait paisiblement. Des cercles se dessinent par petites vagues régulières et s’agrandissent jusqu’à s’évanouir pour laisser la place à d’autres cercles. En son centre émerge lentement une main fine et délicate, entièrement couverte de cette épaisse substance laiteuse. Grande ouverte, elle s'avance dans ma direction jusqu’à toucher mes doigts qui se figent. Lorsqu’elle finit par me saisir, mon avant-bras tout entier est comme englouti par l’étrange texture, qui poursuit peu à peu son ascension jusque mon épaule. C’est à ce moment précis, alors qu’elle était remontée le long de mon cou et avait atteint mon menton, que les soubresauts de la route m’ont réveillé, me tirant brusquement de mon sommeil. J’ouvre doucement les yeux et réalise que je suis l'unique passagère.
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Le ciel bas est d’un gris si pâle et lumineux qu’il paraît blanc, m’obligeant à plisser les yeux. Le paysage, triste et monotone, me fait réaliser que ma destination est proche. Derrière la vitre, j’observe mon visage régulier, imperturbable, le ciel se superposant à ma peau diaphane. Je scrute le reflet encore enfantin et ne trouve décidément aucune ressemblance avec mes parents : leurs mines anxieuses, marquées de profondes rides, sont longues et seches, presque osseuses. Encore quelques minutes avant les retrouvailles … Un an déjà, un an que je ne suis pas revenue chez moi. Un an de pensionnat et, bien évidemment, pas la moindre visite ni la moindre invitation à les rejoindre pour les fêtes ou les vacances scolaires. Je crois que c’est ainsi depuis l’âge de mes onze ans, mais je ne me souviens pas vraiment ce qu’il en était avant, du coup je me garderais bien d’affirmer quoi que ce soit. À chaque fois, je pars et ne reviens que l’année scolaire terminée, avec une simple valise qui ne s’étoffe guère. Sans doute est-ce pourquoi je ne ressens aucune joie, tout juste une certaine satisfaction, à l’idée de retrouver cet environnement qui s’avère être la seule chose que je connaisse en dehors du pensionnat, et ce même si j’y éprouve toujours une sorte de malaise, tant leur comportement est déconcertant. Ils peuvent être charmants comme totalement absents, déambulant en murmurant d’étranges litanies, ou se tenant face à moi, le regard fixe. Et alors que je distingue enfin le bout de la route, laquelle devient un simple chemin de terre après quelques lacets, je ne peux réfréner un frisson qui me saisit toute entière.
Le bus s’arrête et je descends sans me presser, accompagnée de mon unique bagage. Je salue le chauffeur qui me répond par un hochement de tête et traverse la route pierreuse et accidentée. Pour autant que je m’en souvienne, nous n’avons pas toujours vécu là. Je devais avoir six ou sept ans lorsque nous nous sommes installés ici, loin des autres habitations, seulement entourés de vastes champs et d’épaisses forêts. Et si je m’y suis habituée, il n’empêche que certaines nuits, lorsque j’étais enfant, j’y ai connu d’intenses frayeurs, au point de me blottir sous les couvertures, la tête sous mon oreiller. J’arpente maintenant le chemin bordé d’herbes hautes, de buissons touffus et d'arbres noueux. Le terrain n’est pas entretenu, à l'exception d'une modeste parcelle où se trouvent le potager, quelques arbres fruitiers et le poulailler. Mais alors que j’aperçois la toiture en tuiles plates couverte de mousse, je sens mon cœur se serrer, intimidée à l’idée de retrouver des parents qui me sont presque étrangers. Je passe devant les pommiers et les parterres réguliers de laitues, de choux, d’épinards, de radis et autres haricots. Enfin arrivée devant le perron, je pose ma valise et sonne, anxieuse. J’entends du bruit, des voix qui se rapprochent. Mon père ouvre la porte ; il semble sincèrement heureux de me retrouver et me prend dans ses bras. Ma mère, tout aussi joyeuse, empoigne mes mains qu’elle sert avec force. Je suis frappée par leurs cheveux presque blancs, leurs rides encore plus profondes, leurs cernes qui ne cessent de se creuser. Mon père prend ma valise et m’invite à le suivre. Nous traversons le salon, sombre et lugubre, avec son imposante armoire en bois massif, pendant que ma mère reste là, immobile. En haut de l’escalier, je redécouvre le long couloir mal éclairé, avec son vieux papier peint aux larges motifs floraux qui m’a valu tant de cauchemars. Ma chambre se situe au fond à droite, en face de la salle de bain, tandis que sur la gauche, de l’autre côté, se trouvent la chambre d’ami désespérément vide, du moins lorsque je séjourne ici, et le vieux débarras fermé à clef. Mon père me précède et pose ma valise sur le lit. Il me demande si je vais bien, je lui réponds que oui, il sourit. À mon tour, je lui demande comment il se porte. Il me fixe un instant en continuant à sourire, puis quitte la pièce sans un mot, me laissant seule. Un simple regard me convainc rapidement que tout est resté tel que je l’avais laissé en partant, alors que la tapisserie bleue est toujours aussi oppressante, à l’instar de l'imposante armoire en acajou placée en face de mon lit d’ailleurs. Fatiguée par le trajet, je m’allonge bientôt sur le jeté de lit en velours pourpre d'où s'échappe une odeur de poussière qui me fait éternuer. Je me relève aussitôt pour ouvrir la fenêtre et laisser entrer un peu d’air frais, et observe mon père sortir pour se diriger vers le potager. Lorsqu’il s’agenouille face aux quelques légumes qui serviront pour le dîner, j’entrevois brièvement son visage : ses yeux sont vides et il sourit toujours.
Maman et moi terminons de préparer le dîner. Un large pain à la croute épaisse est placé au centre de la table, accompagné de quelques condiments. À son tour, Papa apporte l’unique plat qui constituera notre repas. Il ôte le couvercle de la grosse cocotte et je reconnais instantanément cette odeur si familière : un mijoté de poule, pommes de terre, carottes et oignons, agrémenté de quelques feuilles de laurier. Maman nous sert une modeste part et nous mangeons silencieusement. Lorsque nous avons terminé, elle débarrasse nos assiettes et nous rejoint avec une coupelle de cerises à la chair gorgée de sucre. Nous en dégustons chacun quelques-unes, jusqu’à ce que je me décide à en croquer une dernière et qu’une goutte écarlate ne tombe sur mon gilet blanc. Je me lève immédiatement pour tenter d’effacer la tâche qui fait la taille d’une pièce de cinq centimes en la passant sous l’eau du robinet, sans succès. Finalement, Maman me propose de laisser tremper le tout dans une bassine qu’elle dépose dans l’évier. Nous nous retrouvons une nouvelle fois à table devant une tasse de café. Je leur raconte les quelques événements notables de ces derniers mois passés loin d’eux, rien de très marquant, juste de quoi alimenter une discussion : la fois où nous avons recueilli un chaton que nous avons caché dans notre dortoir avant qu’il ne soit découvert et confié à la famille de ma camarade Marion, le spectacle de fin d’année dont nous avons préparé les costumes et les chorégraphies des mois durant et qui fut un franc succès, les félicitations de mes professeurs à propos de mon travail assidu, leurs questions sur mes projets d’avenir … À cette dernière évocation, je ne peux m’empêcher de remarquer que leur visage s’est assombri. Pourtant, il nous faut bien aborder le sujet ?! Mes études terminées, il est déjà temps de parler de mon futur. Peut-être souhaitent-ils que je reste ici ? Je leur demande ce qu’ils en pensent. Ils se regardent un moment puis se tourne vers moi et me répondent qu’ils seraient comblés si je décidais de rester avec eux. J’avoue être perplexe, pourquoi m’avoir laissée si longtemps dans un pensionnat pour vouloir aujourd’hui que je reste en leur compagnie ? Ils n’ont pas grand-chose à raconter de leur quotidien, chaque jour ressemblant au précédent. Visiblement fatigués, ils décident d’aller se coucher et me souhaitent bonne nuit avant de se retirer dans leur chambre, au rez-de-chaussée, tandis que je rejoins la mienne, à l’étage. Je ne suis jamais rassurée lorsque j’y dors ; il faut dire que certains soirs, étant plus jeune, j’ai souvent vu passer des ombres inquiétantes.
Me voilà de nouveau seule, dans la salle de bain, vêtue d’un simple pyjama. Mes affaires de toilettes sur l’étagère, j’entreprends de me brosser les dents avant de prendre une douche. C’est alors que je réalise que l’eau stagne dans le lavabo pour finir par ne plus s’écouler du tout. Quelque chose doit gêner son passage, un petit objet ou un amas de cheveux. Ne disposant d’aucun ustensile, j’ôte la bonde et enfonce mon index dans le tuyau. Je sens quelque chose de mout et ne peux m’empêcher de sursauter en étouffant un cri : un doigt est coincé dans le conduit ! Je descends en courant l’escalier et frappe à la chambre de mes parents. Mon père entrouvre la porte. Je lui explique ce que je viens de découvrir en essayant de garder mon calme. Sans un bruit, il se tourne vers ma mère endormie et paraît soulagé qu’elle n’ait rien entendu, avant de m’accompagner dans la salle de bain et scruter le conduit à l’aide d’une petite lampe de poche. Bien évidemment, il n’y a rien, absolument rien. Il fait mine d’en rire, avant de m’expliquer que parfois, il arrive que de gros insectes remontent par les canalisations et les bouchent. Je ne suis pas du tout convaincue par son explication mais n’en ayant pas d’autre, je m’en contente et le laisse repartir se coucher. Pas vraiment rassurée, j’ouvre le robinet de la baignoire, règle la température et me délasse enfin sous une eau brûlante bienvenue. Paupières closes, je pense à des choses agréables : le bouillon du mijoté, la chair juteuse des cerises ou le goût corsé ... J’ouvre les yeux : de longs cheveux bruns sortent du conduit de ventilation, flottant dans l’air moite et emplie de vapeur. Je lâche le pommeau de douche qui asperge les murs et sors de la baignoire à reculons, mais lorsque je lève les yeux en direction de la petite grille, tout est parfaitement normal. Je coupe l'eau précipitamment, attrape une serviette et me réfugie dans ma chambre que je m’empresse de fermer à clé. Une fois dans mon lit, je remonte les couvertures jusqu’à mon menton. La lampe de chevet restera allumée cette nuit.
Du sang suinte des plaintes et remonte le long des murs en de longues traînées écarlates, tandis qu'une multitude de gouttes perlent à travers les lattes du plafond jusqu’à former d’épais filets qui recouvrent peu à peu le sol et imbibent une partie du matelas. Tétanisée, je suis incapable de bouger ou de parler, voire de simplement fermer les yeux. C’est alors que deux bras émergent brusquement du matelas ensanglanté pour m’empoigner et que de longs cheveux bruns recouvrent mon visage. L’engeance rougeâtre fini de remonter le long de mon cou, de mon menton, pour s’introduire lentement dans ma bouche … Je me redresse d’un seul coup, en sueur, tremblante, terrifiée. Ça avait l’air si réel ! Un froid glacial m’envahit et je me lève d’un bond, convaincue qu’il me faut quitter les lieux au plus vite. Mais cependant que je me précipite vers le couloir, un détail attire mon attention : de fins liserés brisent le blanc homogène de l’oreiller ; de longs cheveux bruns. Il est à peine cinq heures lorsque je dévale les escaliers. Mon cœur bat la chamade, j'essaie de reprendre mon souffle et ne m’étonne même pas de retrouver mes parents debout dans la cuisine malgré l’heure matinale. Ils me voient arriver et malgré mon air hagard, ils me saluent comme si de rien n’était et me souhaitent un joyeux anniversaire. C’est vrai, je n’y pensais plus ; j’ai dix-huit ans aujourd’hui. Encore sous le choc, je leur raconte mon cauchemar et leur dis que je ne me sens pas très bien. Littéralement oppressée, la gorge sèche, je me dirige vers le robinet pour boire un peu d’eau. Dans l’évier se trouve la bassine où trempe mon gilet. J’en sors le tissu que je tends pour vérifier si la tâche est partie mais ce n’est pas le cas, elle s’est agrandie et fait maintenant la taille d’une belle pêche. Mon malaise s’amplifie. Je n’ai qu’une envie, sortir, quitter cet endroit. Comme si la maison m’avait entendue, la porte d'entrée s’ouvre soudainement sous l’effet d’un courant d’air. Mon instinct me dit de courir, de partir sans me retourner. Ma mère voit mon trouble et tente de ma rassurer avec un sourire qui me semble exagéré. Jamais elle ne m’a parue si livide, le visage marqué, les yeux enfoncés dans deux cavités bleuâtres. Ils sont étranges, c’est vrai, mais ce sont mes parents et je ne peux pas partir comme ça. Mon père se dirige calmement vers la porte d’entrée qu’il referme sans un bruit pendant que ma Maman me tend une tasse de café en m’assurant que tout ira mieux après. J’en bois une gorgée, quelque surprise par son goût métallique. Les suivantes sont tout aussi surprenantes. Très vite, je me sens de nouveau fatiguée, très fatiguée. Je dis à mes parents que je vais retourner dans ma chambre m’allonger un peu. Une fois en haut des escaliers, je réalise avec stupeur que la porte du débarras est entrouverte. Je la pousse sans un bruit et pénètre dans une chambre intacte, quoique couverte de poussière, avec un lit, une grande armoire et un bureau. Sur ce dernier, je découvre le cliché jauni d’une jeune femme brune accompagnée d’une fillette de six ou sept ans. Subitement, des dizaines de souvenirs refont surface sans prévenir, pendant que dans le cadre, la photo s’anime ; la jeune femme serre tout contre elle la petite fille et des larmes coulent sur ses joues. Je vacille, je sens que vais tomber, et fini par m’affaler par terre.
À mon réveil, je réalise avec effroi que je suis piégée dans le sol ensanglanté d’un long couloir qui s’étire en tournant sur lui-même, et dont les murs sont si pâles et lumineux que je suis obligée de fermer brièvement les yeux pour ne pas être totalement éblouie. Au fond, je distingue péniblement un portrait de mes parents ceint dans un encadrement noir qui tranche brutalement avec la lumière éblouissante qui m'environne. Côte à côte, souriants, ils sont tout de blanc vêtus et me tendent leurs mains. Sans savoir pourquoi, je suis irrémédiablement attirée vers eux par une force qui me dépasse, mais plus je m'en approche, plus je m’enfonce dans le sol écarlate et visqueux pendant que le couloir continu à rétrécir et que je peine à extraire mon visage de la masse sanglante qui m’ensevelit. Soudain, mon corps paraît traverser le plancher et je me retrouve plongée dans l'obscurité, toute entière comme emprisonnée dans une sorte de linceul. Une douleur vive à côté du cœur me foudroie. Je suis glacée, effrayée, incapable d'émettre la moindre plainte. Je sens que l’on me redresse malgré moi. Et alors que je lutte pour ouvrir les yeux, des images défilent dans ma tête. La jeune fille de la photo, ma sœur, son cadavre étendu dans le salon, au milieu d’une flaque de sang. Je n’ai que six ou sept ans et je reste figée comme une statue, pétrifiée de terreur et muette de chagrin. Mes parents me font sortir en souriant ; plus tard, ils m’assureront que tout ceci n’était qu’un mauvais rêve et l’immense armoire du salon fera son apparition. Puis le passé me laissera sans mémoire, les années effaçant progressivement tout souvenir. Reprenant lentement mes esprits, je perçois distinctement les voix de Maman et Papa, alors qu’ils s'adressent à moi pour m'expliquer que les filles sages doivent rester avec leurs parents et que nous serons désormais heureux tous ensemble. Et de poursuivre qu’elles ne devraient jamais grandir, qu’après elles deviennent mauvaises, mais qu’ils vont s’assurer que cela n’arrivera pas. De nouveau, la douleur irradie tout mon corps. J’ai terriblement froid. Ma tête est lourde et je continue à lutter pour ouvrir les yeux. À force d’efforts désespérés, j’y arrive enfin. La première chose que je perçois est une flaque de sang floue sur le sol du salon, encadrée par mes parents qui me regardent en souriant. Ma vision se précise et je réalise que l'énorme armoire en bois massif a été déplacée et que de la flaque pourpre s’étire une traînée de sang jusqu’au mur ... jusqu'à moi ! Je penche la tête en avant. Mon corps est enroulé dans un drap blanc. À côté du cœur, la tâche de cerise a laissé la place à une tache de sang qui s’élargit doucement. Je reprends mes esprits et l’horreur que j’entrevoie manque de me faire défaillir : je suis à l’intérieur du mur ! Comme si sa voix venait d’un autre monde, j'entends Papa me dire qu’il est temps d’aller dormir et que ma sœur et moi devons être bien sages. J’espère qu’il va m’aider, qu'il va me sortir de là. Toujours dans l’incapacité de prononcer le moindre mot, je le regarde, impuissante, ramasser une dernière brique avant de m’embrasser et de faire signe à ma mère qui m’envoie à son tour un baiser. Et alors qu’il finit d’obstruer le mur, me plongeant une nouvelle fois dans le noir, j’entends Maman me dire d’une voix douce et rassurante : "bonne nuit, Alice."
Le ciel bas est d’un gris si pâle et lumineux qu’il paraît blanc, m’obligeant à plisser les yeux. Le paysage, triste et monotone, me fait réaliser que ma destination est proche. Derrière la vitre, j’observe mon visage régulier, imperturbable, le ciel se superposant à ma peau diaphane. Je scrute le reflet encore enfantin et ne trouve décidément aucune ressemblance avec mes parents : leurs mines anxieuses, marquées de profondes rides, sont longues et seches, presque osseuses. Encore quelques minutes avant les retrouvailles … Un an déjà, un an que je ne suis pas revenue chez moi. Un an de pensionnat et, bien évidemment, pas la moindre visite ni la moindre invitation à les rejoindre pour les fêtes ou les vacances scolaires. Je crois que c’est ainsi depuis l’âge de mes onze ans, mais je ne me souviens pas vraiment ce qu’il en était avant, du coup je me garderais bien d’affirmer quoi que ce soit. À chaque fois, je pars et ne reviens que l’année scolaire terminée, avec une simple valise qui ne s’étoffe guère. Sans doute est-ce pourquoi je ne ressens aucune joie, tout juste une certaine satisfaction, à l’idée de retrouver cet environnement qui s’avère être la seule chose que je connaisse en dehors du pensionnat, et ce même si j’y éprouve toujours une sorte de malaise, tant leur comportement est déconcertant. Ils peuvent être charmants comme totalement absents, déambulant en murmurant d’étranges litanies, ou se tenant face à moi, le regard fixe. Et alors que je distingue enfin le bout de la route, laquelle devient un simple chemin de terre après quelques lacets, je ne peux réfréner un frisson qui me saisit toute entière.
Le bus s’arrête et je descends sans me presser, accompagnée de mon unique bagage. Je salue le chauffeur qui me répond par un hochement de tête et traverse la route pierreuse et accidentée. Pour autant que je m’en souvienne, nous n’avons pas toujours vécu là. Je devais avoir six ou sept ans lorsque nous nous sommes installés ici, loin des autres habitations, seulement entourés de vastes champs et d’épaisses forêts. Et si je m’y suis habituée, il n’empêche que certaines nuits, lorsque j’étais enfant, j’y ai connu d’intenses frayeurs, au point de me blottir sous les couvertures, la tête sous mon oreiller. J’arpente maintenant le chemin bordé d’herbes hautes, de buissons touffus et d'arbres noueux. Le terrain n’est pas entretenu, à l'exception d'une modeste parcelle où se trouvent le potager, quelques arbres fruitiers et le poulailler. Mais alors que j’aperçois la toiture en tuiles plates couverte de mousse, je sens mon cœur se serrer, intimidée à l’idée de retrouver des parents qui me sont presque étrangers. Je passe devant les pommiers et les parterres réguliers de laitues, de choux, d’épinards, de radis et autres haricots. Enfin arrivée devant le perron, je pose ma valise et sonne, anxieuse. J’entends du bruit, des voix qui se rapprochent. Mon père ouvre la porte ; il semble sincèrement heureux de me retrouver et me prend dans ses bras. Ma mère, tout aussi joyeuse, empoigne mes mains qu’elle sert avec force. Je suis frappée par leurs cheveux presque blancs, leurs rides encore plus profondes, leurs cernes qui ne cessent de se creuser. Mon père prend ma valise et m’invite à le suivre. Nous traversons le salon, sombre et lugubre, avec son imposante armoire en bois massif, pendant que ma mère reste là, immobile. En haut de l’escalier, je redécouvre le long couloir mal éclairé, avec son vieux papier peint aux larges motifs floraux qui m’a valu tant de cauchemars. Ma chambre se situe au fond à droite, en face de la salle de bain, tandis que sur la gauche, de l’autre côté, se trouvent la chambre d’ami désespérément vide, du moins lorsque je séjourne ici, et le vieux débarras fermé à clef. Mon père me précède et pose ma valise sur le lit. Il me demande si je vais bien, je lui réponds que oui, il sourit. À mon tour, je lui demande comment il se porte. Il me fixe un instant en continuant à sourire, puis quitte la pièce sans un mot, me laissant seule. Un simple regard me convainc rapidement que tout est resté tel que je l’avais laissé en partant, alors que la tapisserie bleue est toujours aussi oppressante, à l’instar de l'imposante armoire en acajou placée en face de mon lit d’ailleurs. Fatiguée par le trajet, je m’allonge bientôt sur le jeté de lit en velours pourpre d'où s'échappe une odeur de poussière qui me fait éternuer. Je me relève aussitôt pour ouvrir la fenêtre et laisser entrer un peu d’air frais, et observe mon père sortir pour se diriger vers le potager. Lorsqu’il s’agenouille face aux quelques légumes qui serviront pour le dîner, j’entrevois brièvement son visage : ses yeux sont vides et il sourit toujours.
Maman et moi terminons de préparer le dîner. Un large pain à la croute épaisse est placé au centre de la table, accompagné de quelques condiments. À son tour, Papa apporte l’unique plat qui constituera notre repas. Il ôte le couvercle de la grosse cocotte et je reconnais instantanément cette odeur si familière : un mijoté de poule, pommes de terre, carottes et oignons, agrémenté de quelques feuilles de laurier. Maman nous sert une modeste part et nous mangeons silencieusement. Lorsque nous avons terminé, elle débarrasse nos assiettes et nous rejoint avec une coupelle de cerises à la chair gorgée de sucre. Nous en dégustons chacun quelques-unes, jusqu’à ce que je me décide à en croquer une dernière et qu’une goutte écarlate ne tombe sur mon gilet blanc. Je me lève immédiatement pour tenter d’effacer la tâche qui fait la taille d’une pièce de cinq centimes en la passant sous l’eau du robinet, sans succès. Finalement, Maman me propose de laisser tremper le tout dans une bassine qu’elle dépose dans l’évier. Nous nous retrouvons une nouvelle fois à table devant une tasse de café. Je leur raconte les quelques événements notables de ces derniers mois passés loin d’eux, rien de très marquant, juste de quoi alimenter une discussion : la fois où nous avons recueilli un chaton que nous avons caché dans notre dortoir avant qu’il ne soit découvert et confié à la famille de ma camarade Marion, le spectacle de fin d’année dont nous avons préparé les costumes et les chorégraphies des mois durant et qui fut un franc succès, les félicitations de mes professeurs à propos de mon travail assidu, leurs questions sur mes projets d’avenir … À cette dernière évocation, je ne peux m’empêcher de remarquer que leur visage s’est assombri. Pourtant, il nous faut bien aborder le sujet ?! Mes études terminées, il est déjà temps de parler de mon futur. Peut-être souhaitent-ils que je reste ici ? Je leur demande ce qu’ils en pensent. Ils se regardent un moment puis se tourne vers moi et me répondent qu’ils seraient comblés si je décidais de rester avec eux. J’avoue être perplexe, pourquoi m’avoir laissée si longtemps dans un pensionnat pour vouloir aujourd’hui que je reste en leur compagnie ? Ils n’ont pas grand-chose à raconter de leur quotidien, chaque jour ressemblant au précédent. Visiblement fatigués, ils décident d’aller se coucher et me souhaitent bonne nuit avant de se retirer dans leur chambre, au rez-de-chaussée, tandis que je rejoins la mienne, à l’étage. Je ne suis jamais rassurée lorsque j’y dors ; il faut dire que certains soirs, étant plus jeune, j’ai souvent vu passer des ombres inquiétantes.
Me voilà de nouveau seule, dans la salle de bain, vêtue d’un simple pyjama. Mes affaires de toilettes sur l’étagère, j’entreprends de me brosser les dents avant de prendre une douche. C’est alors que je réalise que l’eau stagne dans le lavabo pour finir par ne plus s’écouler du tout. Quelque chose doit gêner son passage, un petit objet ou un amas de cheveux. Ne disposant d’aucun ustensile, j’ôte la bonde et enfonce mon index dans le tuyau. Je sens quelque chose de mout et ne peux m’empêcher de sursauter en étouffant un cri : un doigt est coincé dans le conduit ! Je descends en courant l’escalier et frappe à la chambre de mes parents. Mon père entrouvre la porte. Je lui explique ce que je viens de découvrir en essayant de garder mon calme. Sans un bruit, il se tourne vers ma mère endormie et paraît soulagé qu’elle n’ait rien entendu, avant de m’accompagner dans la salle de bain et scruter le conduit à l’aide d’une petite lampe de poche. Bien évidemment, il n’y a rien, absolument rien. Il fait mine d’en rire, avant de m’expliquer que parfois, il arrive que de gros insectes remontent par les canalisations et les bouchent. Je ne suis pas du tout convaincue par son explication mais n’en ayant pas d’autre, je m’en contente et le laisse repartir se coucher. Pas vraiment rassurée, j’ouvre le robinet de la baignoire, règle la température et me délasse enfin sous une eau brûlante bienvenue. Paupières closes, je pense à des choses agréables : le bouillon du mijoté, la chair juteuse des cerises ou le goût corsé ... J’ouvre les yeux : de longs cheveux bruns sortent du conduit de ventilation, flottant dans l’air moite et emplie de vapeur. Je lâche le pommeau de douche qui asperge les murs et sors de la baignoire à reculons, mais lorsque je lève les yeux en direction de la petite grille, tout est parfaitement normal. Je coupe l'eau précipitamment, attrape une serviette et me réfugie dans ma chambre que je m’empresse de fermer à clé. Une fois dans mon lit, je remonte les couvertures jusqu’à mon menton. La lampe de chevet restera allumée cette nuit.
Du sang suinte des plaintes et remonte le long des murs en de longues traînées écarlates, tandis qu'une multitude de gouttes perlent à travers les lattes du plafond jusqu’à former d’épais filets qui recouvrent peu à peu le sol et imbibent une partie du matelas. Tétanisée, je suis incapable de bouger ou de parler, voire de simplement fermer les yeux. C’est alors que deux bras émergent brusquement du matelas ensanglanté pour m’empoigner et que de longs cheveux bruns recouvrent mon visage. L’engeance rougeâtre fini de remonter le long de mon cou, de mon menton, pour s’introduire lentement dans ma bouche … Je me redresse d’un seul coup, en sueur, tremblante, terrifiée. Ça avait l’air si réel ! Un froid glacial m’envahit et je me lève d’un bond, convaincue qu’il me faut quitter les lieux au plus vite. Mais cependant que je me précipite vers le couloir, un détail attire mon attention : de fins liserés brisent le blanc homogène de l’oreiller ; de longs cheveux bruns. Il est à peine cinq heures lorsque je dévale les escaliers. Mon cœur bat la chamade, j'essaie de reprendre mon souffle et ne m’étonne même pas de retrouver mes parents debout dans la cuisine malgré l’heure matinale. Ils me voient arriver et malgré mon air hagard, ils me saluent comme si de rien n’était et me souhaitent un joyeux anniversaire. C’est vrai, je n’y pensais plus ; j’ai dix-huit ans aujourd’hui. Encore sous le choc, je leur raconte mon cauchemar et leur dis que je ne me sens pas très bien. Littéralement oppressée, la gorge sèche, je me dirige vers le robinet pour boire un peu d’eau. Dans l’évier se trouve la bassine où trempe mon gilet. J’en sors le tissu que je tends pour vérifier si la tâche est partie mais ce n’est pas le cas, elle s’est agrandie et fait maintenant la taille d’une belle pêche. Mon malaise s’amplifie. Je n’ai qu’une envie, sortir, quitter cet endroit. Comme si la maison m’avait entendue, la porte d'entrée s’ouvre soudainement sous l’effet d’un courant d’air. Mon instinct me dit de courir, de partir sans me retourner. Ma mère voit mon trouble et tente de ma rassurer avec un sourire qui me semble exagéré. Jamais elle ne m’a parue si livide, le visage marqué, les yeux enfoncés dans deux cavités bleuâtres. Ils sont étranges, c’est vrai, mais ce sont mes parents et je ne peux pas partir comme ça. Mon père se dirige calmement vers la porte d’entrée qu’il referme sans un bruit pendant que ma Maman me tend une tasse de café en m’assurant que tout ira mieux après. J’en bois une gorgée, quelque surprise par son goût métallique. Les suivantes sont tout aussi surprenantes. Très vite, je me sens de nouveau fatiguée, très fatiguée. Je dis à mes parents que je vais retourner dans ma chambre m’allonger un peu. Une fois en haut des escaliers, je réalise avec stupeur que la porte du débarras est entrouverte. Je la pousse sans un bruit et pénètre dans une chambre intacte, quoique couverte de poussière, avec un lit, une grande armoire et un bureau. Sur ce dernier, je découvre le cliché jauni d’une jeune femme brune accompagnée d’une fillette de six ou sept ans. Subitement, des dizaines de souvenirs refont surface sans prévenir, pendant que dans le cadre, la photo s’anime ; la jeune femme serre tout contre elle la petite fille et des larmes coulent sur ses joues. Je vacille, je sens que vais tomber, et fini par m’affaler par terre.
À mon réveil, je réalise avec effroi que je suis piégée dans le sol ensanglanté d’un long couloir qui s’étire en tournant sur lui-même, et dont les murs sont si pâles et lumineux que je suis obligée de fermer brièvement les yeux pour ne pas être totalement éblouie. Au fond, je distingue péniblement un portrait de mes parents ceint dans un encadrement noir qui tranche brutalement avec la lumière éblouissante qui m'environne. Côte à côte, souriants, ils sont tout de blanc vêtus et me tendent leurs mains. Sans savoir pourquoi, je suis irrémédiablement attirée vers eux par une force qui me dépasse, mais plus je m'en approche, plus je m’enfonce dans le sol écarlate et visqueux pendant que le couloir continu à rétrécir et que je peine à extraire mon visage de la masse sanglante qui m’ensevelit. Soudain, mon corps paraît traverser le plancher et je me retrouve plongée dans l'obscurité, toute entière comme emprisonnée dans une sorte de linceul. Une douleur vive à côté du cœur me foudroie. Je suis glacée, effrayée, incapable d'émettre la moindre plainte. Je sens que l’on me redresse malgré moi. Et alors que je lutte pour ouvrir les yeux, des images défilent dans ma tête. La jeune fille de la photo, ma sœur, son cadavre étendu dans le salon, au milieu d’une flaque de sang. Je n’ai que six ou sept ans et je reste figée comme une statue, pétrifiée de terreur et muette de chagrin. Mes parents me font sortir en souriant ; plus tard, ils m’assureront que tout ceci n’était qu’un mauvais rêve et l’immense armoire du salon fera son apparition. Puis le passé me laissera sans mémoire, les années effaçant progressivement tout souvenir. Reprenant lentement mes esprits, je perçois distinctement les voix de Maman et Papa, alors qu’ils s'adressent à moi pour m'expliquer que les filles sages doivent rester avec leurs parents et que nous serons désormais heureux tous ensemble. Et de poursuivre qu’elles ne devraient jamais grandir, qu’après elles deviennent mauvaises, mais qu’ils vont s’assurer que cela n’arrivera pas. De nouveau, la douleur irradie tout mon corps. J’ai terriblement froid. Ma tête est lourde et je continue à lutter pour ouvrir les yeux. À force d’efforts désespérés, j’y arrive enfin. La première chose que je perçois est une flaque de sang floue sur le sol du salon, encadrée par mes parents qui me regardent en souriant. Ma vision se précise et je réalise que l'énorme armoire en bois massif a été déplacée et que de la flaque pourpre s’étire une traînée de sang jusqu’au mur ... jusqu'à moi ! Je penche la tête en avant. Mon corps est enroulé dans un drap blanc. À côté du cœur, la tâche de cerise a laissé la place à une tache de sang qui s’élargit doucement. Je reprends mes esprits et l’horreur que j’entrevoie manque de me faire défaillir : je suis à l’intérieur du mur ! Comme si sa voix venait d’un autre monde, j'entends Papa me dire qu’il est temps d’aller dormir et que ma sœur et moi devons être bien sages. J’espère qu’il va m’aider, qu'il va me sortir de là. Toujours dans l’incapacité de prononcer le moindre mot, je le regarde, impuissante, ramasser une dernière brique avant de m’embrasser et de faire signe à ma mère qui m’envoie à son tour un baiser. Et alors qu’il finit d’obstruer le mur, me plongeant une nouvelle fois dans le noir, j’entends Maman me dire d’une voix douce et rassurante : "bonne nuit, Alice."
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Une femme habitée par des pulsions anthropophages s’efforce de mener une vie normale de fille, d’épouse et de mère. Mais depuis ce rêve à l’âge de 6 ans, la sensation la hante : retrouver le goût de la chair humaine. En proie au doute quant à son identité même, ses racines, ce qu’elle peut transmettre à son propre enfant, elle avance avec l’espoir de ne pas succomber, de ne pas se perdre ... Paru aux éditions numériques L’ivre-Book en juillet 2015, ce roman intime sur le désir et les instincts est le premier ouvrage de Aliénor Oval (1976), également autrice d'un recueil de treize nouvelles sur des tueurs en série, L’obscure beauté des tueurs, toujours chez L’ivre-Book.
Une femme habitée par des pulsions anthropophages s’efforce de mener une vie normale de fille, d’épouse et de mère. Mais depuis ce rêve à l’âge de 6 ans, la sensation la hante : retrouver le goût de la chair humaine. En proie au doute quant à son identité même, ses racines, ce qu’elle peut transmettre à son propre enfant, elle avance avec l’espoir de ne pas succomber, de ne pas se perdre ... Paru aux éditions numériques L’ivre-Book en juillet 2015, ce roman intime sur le désir et les instincts est le premier ouvrage de Aliénor Oval (1976), également autrice d'un recueil de treize nouvelles sur des tueurs en série, L’obscure beauté des tueurs, toujours chez L’ivre-Book.
Une femme habitée par des pulsions anthropophages s’efforce de mener une vie normale de fille, d’épouse et de mère. Mais depuis ce rêve à l’âge de 6 ans, la sensation la hante : retrouver le goût de la chair humaine. En proie au doute quant à son identité même, ses racines, ce qu’elle peut transmettre à son propre enfant, elle avance avec l’espoir de ne pas succomber, de ne pas se perdre ... Paru aux éditions numériques L’ivre-Book en juillet 2015, ce roman intime sur le désir et les instincts est le premier ouvrage de Aliénor Oval (1976), également autrice d'un recueil de treize nouvelles sur des tueurs en série, L’obscure beauté des tueurs, toujours chez L’ivre-Book.