INVASION
UNE NOUVELLE QUI FIGURE L'AVENIR DE L'HUMANITÉ
Temps de lecture : 6-8 minutes
Auteur : Récits Polyédriques © 2025
Cette nouvelle s'inspire d'un roman de l'auteur de science-fiction américain Jack Finney, lequel a eu droit à trois adaptations cinématographiques, dont la première version, film à petit budget du réalisteur originaire de Chicago Don Siegel, est devenu dès sa sortie en 1956 un classique du genre.
L'illustration utilisée ici est une création de l'artiste américain Mike Winkelmann, plus connu sous le nom de Beeple, dont un assemblage de dessins réalisés quotidiennement durant 5 000 jours d'affilée a été vendu 69.3 millions de dollars en mars 2021, un record pour une œuvre entièrement numérique, signe d'une révolution en cours sur ce marché demeuré longtemps confidentiel.
Je préfère vous avertir tout de suite : le récit que vous commencez à lire regorge d'incohérences et de questions sans réponses. Il s'achèvera sans beaucoup de précisions ; tout n'y sera pas résolu, ni expliqué avec logique. Du moins pas par moi. Je ne peux même pas affirmer que je sache exactement ce qui s'est passé, ni pourquoi, ni comment cela a commencé, comment cela a pris fin, ou seulement si c'est terminé. Pourtant, j'ai été aux premières loges. Maintenant, si vous n'aimez pas ce genre d'histoire, désolé, mais vous feriez mieux de lire autre chose. Je ne peux raconter que ce que je sais.
Docteur Miles J. Bennel
Body Snatchers, Jack Finney, 1955
Je préfère vous avertir tout de suite : le récit que vous commencez à lire regorge d'incohérences et de questions sans réponses. Il s'achèvera sans beaucoup de précisions ; tout n'y sera pas résolu, ni expliqué avec logique. Du moins pas par moi. Je ne peux même pas affirmer que je sache exactement ce qui s'est passé, ni pourquoi, ni comment cela a commencé, comment cela a pris fin, ou seulement si c'est terminé. Pourtant, j'ai été aux premières loges. Maintenant, si vous n'aimez pas ce genre d'histoire, désolé, mais vous feriez mieux de lire autre chose. Je ne peux raconter que ce que je sais.
Docteur Miles J. Bennel
Body Snatchers, Jack Finney, 1955
*
* *
*
* *
Nous sommes le jeudi 8 novembre 2001. Mon nom est Kevin Jones. De nationalité américaine, je suis âgé de trente-neuf ans, marié, sans enfant. Jusqu'alors consultant en affaires publiques pour un important cabinet de conseil, je travaille désormais pour l’Office de l’Influence Stratégique, au sein du département américain de la Défense, à Arlington en Virginie. Et si ma principale mission consiste à diffuser de fausses informations servant la cause des États-Unis, Washington n’a rien à voir avec les révélations que je m’apprête à énoncer ici.
En effet, je viens d'assister à une série d'événements effroyables qui dépassent la raison et que je me dois de rapporter avant qu'ils ne s'effacent définitivement de ma mémoire. Tout ce qui suit, aussi improbable soit-il, a bel et bien eu lieu.
Avec Becky, mon épouse, et deux couples d'amis, nous passions quelques jours d’un repos bien mérité dans une luxueuse maison louée non loin de la petite station balnéaire de Stinson Beach, près de San Francisco. Nous étions en pleine nature, au milieu des collines escarpées et des séquoias côtiers, avec une vue imprenable sur l'océan Pacifique. Le climat de demi-saison était agréable, l'ambiance au beau fixe ... C’étaient nos meilleures vacances, tout simplement.
Hier matin, réveillé avant tout le monde, je prenais un café sur la terrasse quand j'ai vu Osi, notre chien, se comporter de façon anormale. Tout en gémissant, il rampait à même le sol en jetant vers le ciel des regards alarmés que je ne comprenais pas. Stupéfait, j'ai assisté à un phénomène invraisemblable : une masse gigantesque était en train de se positionner, lente et silencieuse, à une centaine de mètres au-dessus de la villa, plongeant les alentours dans la pénombre, si bien que j’ai commencé à frissonner.
Mon premier réflexe a été de gagner l'intérieur où j'ai alerté mes camarades en m’époumonant comme un fou. La maisonnée dormait encore, exceptée Becky, qui depuis la salle de bain m'a demandé pourquoi je hurlais ainsi.
Cinq minutes plus tard, notre groupe était rassemblé au grand complet dans le salon, incrédule, les yeux encore bouffis de sommeil, tendant le cou derrière les vitrages pour observer l'immense structure, toujours immobile, en position stationnaire. C'était un disque d'un diamètre considérable, lisse comme du marbre. Sa surface d'un noir profond ne reflétait aucune lumière et il n'était doté d'aucun moyen de propulsion visible, ni échappement, ni panache de fumée. L'un de nous a bien tenté de joindre les autorités locales pour obtenir des explications, mais plus aucune ligne téléphonique ne fonctionnait, à l’instar des réseaux mobiles, tous hors-service.
Nous étions là, nerveux, à tourner en rond sans pouvoir nous entendre sur la suite à donner, lorsqu’une excroissance noirâtre, sorte d'enveloppe souple, s'est lentement déployée vers le sol, reliée à l'appareil par des câbles spongieux. D'étranges silhouettes de forme arachnéenne en sont sorties par petits groupes pour se rassembler quelques instants au pied de la protubérance. Soudain, alors que nous observions la scène en silence, l'un d'eux s'est lancé brusquement dans notre direction, au point de nous surprendre.
Certains d'entre nous ont immédiatement perdu leurs moyens, à l’image de Linda, une amie de longue date, qui s'est effondrée en pleurs, ou de Richard, son conjoint, blanc comme un linge, qui nous exhortait à rejoindre la cave sans délai pour nous y barricader.
C’est alors que le bruit caractéristique d’une porte-fenêtre brisée en provenance de la pièce voisine nous fit sursauter. Dès cet instant, guidé par son instinct de survie, chacun est parti se réfugier là où il le pouvait, sans se préoccuper des autres. Pour ma part, j'ai trouvé abri au fond d'un placard de la cuisine où, recroquevillé au milieu des produits d'entretien, le cœur battant à une vitesse folle, j'ai attendu.
Au bout de quelques secondes me sont parvenus des cris abominables, bientôt couverts par le tumulte d’une lutte intense qui a fini de me glacer le sang. Impuissant, j'ai reconnu les voix de ma femme ainsi que de mes amis. Ils imploraient, se débattaient, hurlaient de terreur, formant un chœur désespéré, insupportable à entendre. Puis, l'un après l'autre, ils se sont tus, laissant la place à un silence pesant qui faisait craindre quelque chose de terrible et d'effrayant ... J'étais sans doute le seul survivant.
Les minutes qui suivirent ont été les plus longues de toute mon existence. Je tremblais si fort qu'il me semblait impossible de ne pas être repéré et massacré à mon tour. Pourtant, j’eu beau me préparer au pire, personne n'est venu me déloger.
Aveuglé par la luminosité ambiante, les membres ankylosés, je me suis finalement décidé à abandonner ma cachette. Combien de temps y suis-je resté ? Je ne pourrais le dire, mais quand je me suis remis debout, j'ai noté qu'il flottait dans l'atmosphère une odeur de sang, métallique et doucement nauséabonde. À pas de loup, le souffle court, j'ai traversé la cuisine pour m'approcher de la porte entrouverte qui donnait dans le séjour. La scène que j'ai aperçue aurait dû m'abattre, mais je suis parvenu à me dominer et à rester sur mes jambes, me demandant où je pouvais puiser ce courage.
Parler d'un cauchemar serait mentir. Nous étions au-delà, dans une forme d'horreur ultime proche des visions hallucinées de ces peintres, dont Jérôme Bosch, où se mêlent monstres, animaux et personnages plus ou moins fantastiques. Au milieu de la pièce se tenaient cinq créatures, énormes insectes gris constitués d'un corps ventru en forme d'outre monté sur six pattes grêles. Hautes d'un mètre cinquante environ, elles étaient occupées à dévorer lentement ce qui restait de leurs proies. Vêtements et chaussures des malheureuses victimes avaient été abandonnés çà et là. En tendant l'oreille, j'ai reconnu un bruit glaçant : celui des os broyés sous leurs mandibules.
Mais c'est en voyant les têtes sectionnées de Becky et de mes camarades posées à même le sol, entre leurs membres hideux, que j'ai cru défaillir pour de bon. Dans chacune de leur bouche était introduit un long flagelle, des appendices fins et luisants qui semblaient les maintenir dans une sorte de semi-conscience, un lambeau de vie. Sous les paupières entrouvertes bougeait faiblement l'iris terni de leurs yeux. C'est alors que j'aperçu le visage blême de mon épouse qui paraissait me fixer du regard, comme si elle tentait de me mettre en garde. Je croyais pouvoir rester maître de mes émotions, mais cette fois je n'y suis pas parvenu. Tout s'est rapidement brouillé autour de moi et j’ai perdu connaissance.
J'ai recouvré mes esprits, allongé sur un des canapés du salon où l'on m'avait installé. Mon premier geste a été de vérifier si je n'étais pas blessé ; quand j'ai constaté que tout allait bien, je me suis détendu. En tournant la tête vers la porte-fenêtre ouverte sur la terrasse, j'ai reconnu ma tendre Becky et mes amis. Ils étaient tous là, confortablement assis au soleil, paisibles et souriants. L'immense disque de métal avait disparu, tout comme le carnage qui s'était déroulé dans la pièce, dont il ne restait nulle trace.
Avais-je fait un cauchemar ? Je commençais à le croire.
Afin d'en avoir le cœur net, je me suis rendu dans la cuisine pour mettre le nez dans le réduit où j'avais souvenir de m'être caché. J'y ai effectivement constaté, un désordre anormal ; tout était sens dessus dessous.
Troublé, ne sachant quoi penser, j'ai rejoint mes compagnons à l'extérieur. Avant l'attaque, notre bande était la plus gaie qu'on puisse imaginer, bavarde, joueuse et remuante. Je trouvai là une assemblée statique, étrangement disciplinée et muette. En me voyant avancer, tous ont tourné la tête vers moi sans prononcer un mot, puis ils ont repris leur posture, insensibles, distants. Un détail révélateur m'a tout de même sauté aux yeux : ils avaient échangé leurs vêtements, ce qui n'était pas du tout dans nos usages. J'en ai conclu qu'après avoir pris apparence humaine et s'être débarrassé du reste des dépouilles, les créatures s'étaient rhabillées sans se soucier d'une quelconque cohérence vestimentaire.
La situation aurait dû m'alarmer, me faire déguerpir à toutes jambes, mais au lieu de cela, je n'ai éprouvé qu'une béate indifférence.
Qui pourra me dire ce qui s'est passé pendant mon sommeil ? Pourquoi, si l'on m'a épargné, mes émotions s'effacent-elles progressivement au profit de cette force froide que je ne parviens pas à nommer ? Voilà l'état d'incertitude dans lequel je me trouve en ce moment. Mais d'en haut viendra bientôt la vérité. Car à l'heure où j'achève ce récit, un spectacle inouï se déroule sous mes yeux : au loin, d'étranges formes sphériques de couleur métallique, sans ailes ni hublots, planent en silence au-dessus de la campagne ensoleillée.
Bientôt, elles seront des milliers, et pourtant cette idée funeste ne m’effraie pas. À dire vraie, je crois que je ne ressens plus rien. Je sais juste que le temps nous est compté, et que nous devons nous préparer à vivre dans une société dépourvue de tout sentiment, où l’amour, l’art et les émotions seront inutiles, supplantées par des visages froids et impassibles.
C'est la première étape, le premier cycle silencieux qui précède le grand remplacement, alors que le monde va peu à peu changer d’identité grâce à l’uniformisation des êtres et des pensées. S'en suivra une seconde phase, moins cruelle mais massive et planétaire, qui finira d'éliminer toute forme de résistance, au point que les parents eux-mêmes ne sauront protéger leurs enfants. Ce n'est qu'une fois ces deux étapes franchies et la planète entièrement pacifiée, trompée et sous contrôle, que nous pourrons préparer l'arrivée des premiers colons.
Et après ? ... Après, la vie sera beaucoup plus simple.
Nous sommes le jeudi 8 novembre 2001. Mon nom est Kevin Jones. De nationalité américaine, je suis âgé de trente-neuf ans, marié, sans enfant. Jusqu'alors consultant en affaires publiques pour un important cabinet de conseil, je travaille désormais pour l’Office de l’Influence Stratégique, au sein du département américain de la Défense, à Arlington en Virginie. Et si ma principale mission consiste à diffuser de fausses informations servant la cause des États-Unis, Washington n’a rien à voir avec les révélations que je m’apprête à énoncer ici.
En effet, je viens d'assister à une série d'événements effroyables qui dépassent la raison et que je me dois de rapporter avant qu'ils ne s'effacent définitivement de ma mémoire. Tout ce qui suit, aussi improbable soit-il, a bel et bien eu lieu.
Avec Becky, mon épouse, et deux couples d'amis, nous passions quelques jours d’un repos bien mérité dans une luxueuse maison louée non loin de la petite station balnéaire de Stinson Beach, près de San Francisco. Nous étions en pleine nature, au milieu des collines escarpées et des séquoias côtiers, avec une vue imprenable sur l'océan Pacifique. Le climat de demi-saison était agréable, l'ambiance au beau fixe ... C’étaient nos meilleures vacances, tout simplement.
Hier matin, réveillé avant tout le monde, je prenais un café sur la terrasse quand j'ai vu Osi, notre chien, se comporter de façon anormale. Tout en gémissant, il rampait à même le sol en jetant vers le ciel des regards alarmés que je ne comprenais pas. Stupéfait, j'ai assisté à un phénomène invraisemblable : une masse gigantesque était en train de se positionner, lente et silencieuse, à une centaine de mètres au-dessus de la villa, plongeant les alentours dans la pénombre, si bien que j’ai commencé à frissonner.
Mon premier réflexe a été de gagner l'intérieur où j'ai alerté mes camarades en m’époumonant comme un fou. La maisonnée dormait encore, exceptée Becky, qui depuis la salle de bain m'a demandé pourquoi je hurlais ainsi.
Cinq minutes plus tard, notre groupe était rassemblé au grand complet dans le salon, incrédule, les yeux encore bouffis de sommeil, tendant le cou derrière les vitrages pour observer l'immense structure, toujours immobile, en position stationnaire. C'était un disque d'un diamètre considérable, lisse comme du marbre. Sa surface d'un noir profond ne reflétait aucune lumière et il n'était doté d'aucun moyen de propulsion visible, ni échappement, ni panache de fumée. L'un de nous a bien tenté de joindre les autorités locales pour obtenir des explications, mais plus aucune ligne téléphonique ne fonctionnait, à l’instar des réseaux mobiles, tous hors-service.
Nous étions là, nerveux, à tourner en rond sans pouvoir nous entendre sur la suite à donner, lorsqu’une excroissance noirâtre, sorte d'enveloppe souple, s'est lentement déployée vers le sol, reliée à l'appareil par des câbles spongieux. D'étranges silhouettes de forme arachnéenne en sont sorties par petits groupes pour se rassembler quelques instants au pied de la protubérance. Soudain, alors que nous observions la scène en silence, l'un d'eux s'est lancé brusquement dans notre direction, au point de nous surprendre.
Certains d'entre nous ont immédiatement perdu leurs moyens, à l’image de Linda, une amie de longue date, qui s'est effondrée en pleurs, ou de Richard, son conjoint, blanc comme un linge, qui nous exhortait à rejoindre la cave sans délai pour nous y barricader.
C’est alors que le bruit caractéristique d’une porte-fenêtre brisée en provenance de la pièce voisine nous fit sursauter. Dès cet instant, guidé par son instinct de survie, chacun est parti se réfugier là où il le pouvait, sans se préoccuper des autres. Pour ma part, j'ai trouvé abri au fond d'un placard de la cuisine où, recroquevillé au milieu des produits d'entretien, le cœur battant à une vitesse folle, j'ai attendu.
Au bout de quelques secondes me sont parvenus des cris abominables, bientôt couverts par le tumulte d’une lutte intense qui a fini de me glacer le sang. Impuissant, j'ai reconnu les voix de ma femme ainsi que de mes amis. Ils imploraient, se débattaient, hurlaient de terreur, formant un chœur désespéré, insupportable à entendre. Puis, l'un après l'autre, ils se sont tus, laissant la place à un silence pesant qui faisait craindre quelque chose de terrible et d'effrayant ... J'étais sans doute le seul survivant.
Les minutes qui suivirent ont été les plus longues de toute mon existence. Je tremblais si fort qu'il me semblait impossible de ne pas être repéré et massacré à mon tour. Pourtant, j’eu beau me préparer au pire, personne n'est venu me déloger.
Aveuglé par la luminosité ambiante, les membres ankylosés, je me suis finalement décidé à abandonner ma cachette. Combien de temps y suis-je resté ? Je ne pourrais le dire, mais quand je me suis remis debout, j'ai noté qu'il flottait dans l'atmosphère une odeur de sang, métallique et doucement nauséabonde. À pas de loup, le souffle court, j'ai traversé la cuisine pour m'approcher de la porte entrouverte qui donnait dans le séjour. La scène que j'ai aperçue aurait dû m'abattre, mais je suis parvenu à me dominer et à rester sur mes jambes, me demandant où je pouvais puiser ce courage.
Parler d'un cauchemar serait mentir. Nous étions au-delà, dans une forme d'horreur ultime proche des visions hallucinées de ces peintres, dont Jérôme Bosch, où se mêlent monstres, animaux et personnages plus ou moins fantastiques. Au milieu de la pièce se tenaient cinq créatures, énormes insectes gris constitués d'un corps ventru en forme d'outre monté sur six pattes grêles. Hautes d'un mètre cinquante environ, elles étaient occupées à dévorer lentement ce qui restait de leurs proies. Vêtements et chaussures des malheureuses victimes avaient été abandonnés çà et là. En tendant l'oreille, j'ai reconnu un bruit glaçant : celui des os broyés sous leurs mandibules.
Mais c'est en voyant les têtes sectionnées de Becky et de mes camarades posées à même le sol, entre leurs membres hideux, que j'ai cru défaillir pour de bon. Dans chacune de leur bouche était introduit un long flagelle, des appendices fins et luisants qui semblaient les maintenir dans une sorte de semi-conscience, un lambeau de vie. Sous les paupières entrouvertes bougeait faiblement l'iris terni de leurs yeux. C'est alors que j'aperçu le visage blême de mon épouse qui paraissait me fixer du regard, comme si elle tentait de me mettre en garde. Je croyais pouvoir rester maître de mes émotions, mais cette fois je n'y suis pas parvenu. Tout s'est rapidement brouillé autour de moi et j’ai perdu connaissance.
J'ai recouvré mes esprits, allongé sur un des canapés du salon où l'on m'avait installé. Mon premier geste a été de vérifier si je n'étais pas blessé ; quand j'ai constaté que tout allait bien, je me suis détendu. En tournant la tête vers la porte-fenêtre ouverte sur la terrasse, j'ai reconnu ma tendre Becky et mes amis. Ils étaient tous là, confortablement assis au soleil, paisibles et souriants. L'immense disque de métal avait disparu, tout comme le carnage qui s'était déroulé dans la pièce, dont il ne restait nulle trace.
Avais-je fait un cauchemar ? Je commençais à le croire.
Afin d'en avoir le cœur net, je me suis rendu dans la cuisine pour mettre le nez dans le réduit où j'avais souvenir de m'être caché. J'y ai effectivement constaté, un désordre anormal ; tout était sens dessus dessous.
Troublé, ne sachant quoi penser, j'ai rejoint mes compagnons à l'extérieur. Avant l'attaque, notre bande était la plus gaie qu'on puisse imaginer, bavarde, joueuse et remuante. Je trouvai là une assemblée statique, étrangement disciplinée et muette. En me voyant avancer, tous ont tourné la tête vers moi sans prononcer un mot, puis ils ont repris leur posture, insensibles, distants. Un détail révélateur m'a tout de même sauté aux yeux : ils avaient échangé leurs vêtements, ce qui n'était pas du tout dans nos usages. J'en ai conclu qu'après avoir pris apparence humaine et s'être débarrassé du reste des dépouilles, les créatures s'étaient rhabillées sans se soucier d'une quelconque cohérence vestimentaire.
La situation aurait dû m'alarmer, me faire déguerpir à toutes jambes, mais au lieu de cela, je n'ai éprouvé qu'une béate indifférence.
Qui pourra me dire ce qui s'est passé pendant mon sommeil ? Pourquoi, si l'on m'a épargné, mes émotions s'effacent-elles progressivement au profit de cette force froide que je ne parviens pas à nommer ? Voilà l'état d'incertitude dans lequel je me trouve en ce moment. Mais d'en haut viendra bientôt la vérité. Car à l'heure où j'achève ce récit, un spectacle inouï se déroule sous mes yeux : au loin, d'étranges formes sphériques de couleur métallique, sans ailes ni hublots, planent en silence au-dessus de la campagne ensoleillée.
Bientôt, elles seront des milliers, et pourtant cette idée funeste ne m’effraie pas. À dire vraie, je crois que je ne ressens plus rien. Je sais juste que le temps nous est compté, et que nous devons nous préparer à vivre dans une société dépourvue de tout sentiment, où l’amour, l’art et les émotions seront inutiles, supplantées par des visages froids et impassibles.
C'est la première étape, le premier cycle silencieux qui précède le grand remplacement, alors que le monde va peu à peu changer d’identité grâce à l’uniformisation des êtres et des pensées. S'en suivra une seconde phase, moins cruelle mais massive et planétaire, qui finira d'éliminer toute forme de résistance, au point que les parents eux-mêmes ne sauront protéger leurs enfants. Ce n'est qu'une fois ces deux étapes franchies et la planète entièrement pacifiée, trompée et sous contrôle, que nous pourrons préparer l'arrivée des premiers colons.
Et après ? ... Après, la vie sera beaucoup plus simple.
Envie de poursuivre votre lecture ?
Découvrez le roman qui a inspiré cette nouvelle ...
Envie de poursuivre votre lecture ?
Découvrez le roman qui a inspiré cette nouvelle ...
Envie de poursuivre votre lecture ?
Découvrez le roman qui a inspiré cette nouvelle ...
Envie de poursuivre votre lecture ?
Et si vous preniez le temps de découvrir le roman qui a inspiré cette nouvelle ...
Body Snatchers - L'Invasion des profanateurs
Mill Valley. Petite ville paisible de Californie du nord, non loin de San Francisco. Son médecin, son shérif, ses commerces. Et dans les caves de Mill Valley, des cosses. Elles viennent d’ailleurs. Elles veulent des corps humains. Un jour, elles les prennent ... Découvrez ce roman clef de Jack Finney (1911-1995), paru en 1955, en plein maccarthysme. Véritable classique mondial de la science-fiction qui a révolutionné la thématique de l’invasion extraterrestre, il donna lieu à trois adaptations cinématographiques officielles, dont celles de Don Siegel et de Philip Kaufman, magistrales. La présente version, révisée par son auteur en 1978, est disponible aux éditions du Bélial' depuis juin 2022.
Mill Valley. Petite ville paisible de Californie du nord, non loin de San Francisco. Son médecin, son shérif, ses commerces. Et dans les caves de Mill Valley, des cosses. Elles viennent d’ailleurs. Elles veulent des corps humains. Un jour, elles les prennent ... Découvrez ce roman clef de Jack Finney (1911-1995), paru en 1955, en plein maccarthysme. Véritable classique mondial de la science-fiction qui a révolutionné la thématique de l’invasion extraterrestre, il donna lieu à trois adaptations cinématographiques officielles, dont celles de Don Siegel et de Philip Kaufman, magistrales. La présente version, révisée par son auteur en 1978, est disponible aux éditions du Bélial' depuis juin 2022.
Body Snatchers - L'Invasion des profanateurs
Mill Valley. Petite ville paisible de Californie du nord, non loin de San Francisco. Son médecin, son shérif, ses commerces. Et dans les caves de Mill Valley, des cosses. Elles viennent d’ailleurs. Elles veulent des corps humains. Un jour, elles les prennent ... Découvrez ce roman clef de Jack Finney (1911-1995), paru en 1955, en plein maccarthysme. Véritable classique mondial de la science-fiction qui a révolutionné la thématique de l’invasion extraterrestre, il donna lieu à trois adaptations cinématographiques officielles, dont celles de Don Siegel et de Philip Kaufman, magistrales. La présente version, révisée par son auteur en 1978, est disponible aux éditions du Bélial' depuis juin 2022.