NUIT BLANCHE
À NIGHT CITY
UNE NOUVELLE POUR CYBERPUNK RED
Temps de lecture : 6-8 minutes
Auteur : Thierry "Joubinator" © 2025
La présente nouvelle s'inspire de courts récits imaginés à l'occasion d'une campagne originale pour le jeu de rôle sur table Cyberpunk RED, comme autant de biographies pensées pour aider les joueurs à interpréter leur personnage, tout en les plongeant dans l'ambiance unique de Night City à l’Ère du Rouge.
L'illustration sélectionnée pour l'occasion est une création de l'artiste conceptuel polonais Bernard Kowalczuk, actuel directeur artistique senior au sein du célèbre studio de développement et d'édition de jeux vidéo polonais CD Projekt Red.
L'effondrement n'avait rien d'obligatoire. Vraiment. Mais les gens se sont encroûtés, ils sont devenus fainéants. Ils acceptaient de bonne grâce toutes les cochonneries de jouets brillants que leur refourguaient les mégacorpos. Ils ne croyaient pas que les milices, les terroristes et les armées privées finiraient par submerger les flics, ni que les flics se feraient à leur tour soudoyer et corrompre par les dirigeants. Ils ne se donnaient même plus la peine de voter. Mais bordel, ils s'attendaient à quoi tous ces abrutis au juste ?
Trace Santiago
Cyberpunk 2077, CD Projekt RED, 2020
L'effondrement n'avait rien d'obligatoire. Vraiment. Mais les gens se sont encroûtés, ils sont devenus fainéants. Ils acceptaient de bonne grâce toutes les cochonneries de jouets brillants que leur refourguaient les mégacorpos. Ils ne croyaient pas que les milices, les terroristes et les armées privées finiraient par submerger les flics, ni que les flics se feraient à leur tour soudoyer et corrompre par les dirigeants. Ils ne se donnaient même plus la peine de voter. Mais bordel, ils s'attendaient à quoi tous ces abrutis au juste ?
Trace Santiago
Cyberpunk 2077, CD Projekt RED, 2020
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05h15
Dans un luxueux appartement de Camden Court, un homme à l’allure soignée et en excellente condition physique est confortablement installé dans un épais canapé en peau synthétique, un verre de vodka à la main. Plusieurs comptes-rendus émanant d'un réseau de contacts qui lui sont très certainement redevables sont négligemment éparpillés devant lui, sur une sompteuse table basse.
— Monsieur ? Vous m’avez fait appeler ? interroge un domestique d’âge mûr vêtu d'un costume sombre, les traits tirés et les cheveux en fibres synthétiques grisonnants.
— Absolument ! Soyez gentil de bien vouloir contacter notre ami et de lui demander d’activer la bande d’edgerunners qu'il nous a récemment conseillé. Il est temps d’agir. Les serbes ont repris du service du côté des anciens docks et nous allons en profiter pour passer à l’action !
05h21 # Matt
La flamme du zippo zèbre l’obscurité pendant une seconde. Le bout de la cigarette s’enflamme et devient un timide point orangé. Un nuage au parfum pizza s’échappe de la bouche du fixer. Assis sur son lit, il observe la bouteille de vieux bourbon posée devant sa rétro-horloge. La lueur des chiffres passe à travers le précieux flacon et lui renvoie une belle couleur ocre. Des eddies, beaucoup, mais combien exactement pour ce pur nectar ? Faut que tu assures Matt, elle peut être ton ticket d’entrée pour le prochain marché de minuit. Une nouvelle bouffée. Son portable à clapet vibre. Trois mots échangés et l’interlocuteur raccroche. Il se retourne, secoue le fessier tatoué qui se trémousse doucement. Habille-toi, j’ai une course pour toi !
(...)
— Il est déjà informé, Monsieur. D'ailleurs, il vous fait dire que son équipe se remet d’une récente et difficile mission, mais qu’ils seront prêts le moment venu.
— Merveilleux !
— ... Monsieur ?
— Oui ?
— Eh bien ... S’ils ne semblent pas inintéressants, les profils de ces marginaux me paraissent quelque peu "inadaptés" face à pareille menace. Et que penser du caractère hétéroclite d'un tel groupe ? Êtes-vous convaincu de vouloir leur faire confiance ?
05h31 # Frag
Frag retire la sécurité de son flingue, et glisse son bras hors des draps. Trois fois qu’elle entend les mêmes pas devant sa porte. Son toy boy se retourne à côté d’elle mais reste endormi, trop con pour s'apercevoir de quelque chose. Un futur candidat pour un sac à viande ? Elle attend ... Les pas ralentissent devant sa porte. Elle pointe son Cityhunter, aligne la mire. Orbital Air ? Un booster en manque de came à la recherche d’une proie ? Quoi qu'il soit, il va bouffer du trait plat ! L’inconnu s’éloigne à nouveau. La jeune femme donne un coup dans les côtes de son partenaire d’un soir.
— Allez, bouges. Tu rentres chez toi !
— Quoi ? Mais ... mais putain, t’as vu l’heure ?! s’exclame le dark-punk couvert de piercings neo-chromés.
— T’as cru que le p’tit déj était offert par la maison ? Tu te crois chez ta mère ? Dégage, bordel !
L’homme règle son stud à zéro et enjambe la solo pour s’habiller à la va-vite. La main sur la poignée de la porte, il se retourne vers la silhouette complètement nue de son input. Dans son dos, elle cache son flingue, le doigt sur le pontet, le visage traversé par un sourire charmeur.
— ... Tu crois qu’on pourra se revoir ?
— Passes la lourde et on verra !
La tête dans le coaltar, le punk se résigne et finit par sortir. Frag se rapproche en prenant soin d'utiliser l’angle mort pour se protéger et attend un tir qui ne vient pas.
— Alors ?
— Gagné ! Recharge ton stud et appelle moi dans quelques jours, j’ai des choses à faire avant !
(...)
Le néo-dandy se resserre un verre de vodka, le regard emplie d’une énergie vive malgré l’heure avancée.
— Vous vouliez dire "inexpérimentés" sans doute, c'est bien ça ?!
— Certes, oui.
— Mais c’est justement là tout l’intérêt ! Ah oui, et tant que nous y sommes, vous les équiperez avec le matériel récupéré sur ce gang de détraqués ...
05h33 # Bruce
En dessous de la lampe chirurgicale, le bistouri s’attaque sans ménagement à la base du cou. Le reste du corps est écartelé comme une souris de laboratoire, et des agrafes séparent les chairs rouges découpées. Le cadavre ressemble à une plaie géante où un docteur fou aurait fouillé chaque recoin. Une pieuvre de nano-fils dont l’extrémité est accrochée quelque part dans la dépouille suppliciée pendouille sur le côté. Un biomoniteur recouvert de sang et d’autres implants souillés attendent dans une bassine en inox. Bruce s'essuie le front ; s’attaquer au système neuronal est toujours délicat. Si on bousille les connexions au cerveau, on peut dire au revoir les eddies. Déjà que Frag a fait de la marmelade de ce type ... Le medtech verse sur le dos de sa main droite une poudre aux reflets de quartz qu’il sniffe en fermant ses yeux fatigués. Maintenant, il peut poursuivre.
(...)
— Comment se font-ils appeler déjà ?
— Les "Never Twenty Five" Monsieur. Probablement parce que le quotidien au sein du quartier de Japantown ne permet guère d’espérer vivre davantage.
— Japantown vous dites ? ... N’est-ce pas là que se trouve le centre médical pour lequel nous avons récemment versé une somme rondelette afin de financer les réparations liées aux dernières inondations ?
— Tout à fait Monsieur, c’est bien lui.
— Je me souviens très bien de cette soirée caritative et du discours poignant de cette jeune corpo ; Anna je crois.
— Dois-je rappeler à Monsieur que la jeune femme a tenté de le joindre à plusieurs reprises ces dernières semaines.
— Je sais, je sais ... Mais je n'ai pas le temps pour ce genre de chose.
05h35 # Tépakap
Quelque part dans une des nombreuses zones de combat du centre-ville, Tépakap arrache enfin un armistice à l’insatiable Alex. Il se lève, mais à peine la trêve est-elle annoncée que le démon de minuit semble renaître de ses cendres. Il esquive un bras gracieux, repousse le torse aux seins parfaits qui se redresse devant lui, et tire le drap pour recouvrir la tentatrice aux 400 000 followers. Sous la lueur rose bonbon d’un néon en forme de strip-teaseuse, le tech se faufile entre des corps nus étendus sur la moquette imitation gazon anglais. Les invités dorment encore dans des positions obscènes, collés à leur partenaire d’une nuit. Il retrouve ça et là ses vêtements et quitte le conapt. Sitôt la porte claquée, le mahori s’appuie sur le mur du couloir. Le béton froid lui brûle l’épiderme, rendu sensible par tant de luxure. Il souffle tandis qu’un frisson parcourt son corps éreinté. Ses pansements, au bras et au ventre, sont maculés de sang. Il faut les refaire s’il veut récupérer rapidement. Téléphoner à Bruce ... Il repousse la cloison et s’élance. À chacun de ses pas dans ce tunnel sans fin, l’endorphine s’estompe un peu plus, libérant de leur léthargie ses neuro-transmetteurs. Cruellement, ils lui rappellent que ces putains de blessures ont bien failli lui coûter la vie. Téléphoner à Bruce et dormir mille ans ... Décidément, le repos n’est pas compatible avec ce genre de gonzesse.
(...)
L'homme s'enfonce un peu plus dans l'imposant canapé, délaissant un instant les rapports dispersés sur la table basse pour leur préférer la lecture des premiers screamsheets de la journée depuis son agent interne.
— ... Monsieur ?
— Oui, pardon. Si tout se passe comme prévu, les yougos ne devraient faire qu’une bouchée de notre petit groupe avant de s’intéresser au reste de la bande. Nous aurons dès lors toute latitude pour investir leur planque et nous raccorder au point d’accès.
— Je vois ... Votre SynthTech est-il prêt ?
— Ne vous inquiétez pas. Ce petit bijou m'a coûté une véritable fortune, à l’instar des informations à propos de ce nœud de contrôle encore actif d’ailleurs. Mais grâce à lui, je vais pouvoir faire abstraction de la masse d’informations qui vont transiter vers mon Deep Dive.
— ...
— Bon sang, ne faites pas cette tête, nous n'avons pas le choix ! Il nous faut impérativement accéder aux milliers de sous-réseaux de l’ancien Net si nous voulons rejoindre la Frontière.
— Mais à quel prix ?! Outre les risques pour votre propre personne, nous savons vous et moi que vous aurez beau tout tenter pour ramener cette ville à la raison, elle avance sans but logique depuis trop longtemps déjà.
— Nous en avons déjà parlé ... Et puis, introduire une goutte d’anarchie n’a jamais fait de mal lorsqu’il s’agit de déranger l’ordre en place, non ?
— ... Sans doute, Monsieur. Sans doute.
— Allez, nous avons assez perdu de temps ! N’oubliez pas que l'homme craint surtout ce qu'il ne peut voir, et je compte bien découvrir quels mystérieux secrets cache Netwatch et pourquoi ils collaborent aussi étroitement avec le NCPD et Night Corp. Faites en sorte que ces fugazi (1) entrent en action dès que possible et que les porte-flingues de Todorović sortent enfin de leur tanière, je m’occupe du reste.
— Très bien, Monsieur. C'est entendu, conclue l'IAAA dont la silhouette s'évanouie aussitôt l'holoprojecteur discrètement intégré au faux plafond éteint. Je me connecte immédiatement aux périphériques externes disponibles afin de transmettre vos instructions. Et puisque nous y sommes, je vais en profiter pour commander quelques prépacks de légumes frais ; vous n'aurez bientôt plus rien à manger.
06h35 # TJ
Le navajo grimace. Les rayons du soleil blessent son œil encore endormi. Adossé à la roue de son van, le cul dans la poussière, il grimace tandis qu’un goût de vomi remonte dans sa bouche en lui brûlant l'œsophage. Il râle et se débarrasse d’une canette vide. Autour de lui, le village de mobile homes flanqués d’un pictogramme de serpent se réveille doucement. À ses pieds, les braises rougeâtres d'un feu qui se meurt attirent son regard, cependant que l’esprit de Veronica apparaît au milieu de milliers d'étincelles qui tourbillonnent et s'élèvent vers le ciel, calme et résigné. La jeune militante n’est même pas en colère, pourtant il n’a pas su la protéger. Elle se lève et s'éloigne lentement en direction des habitations. Pan ! TJ sursaute tandis que sa main saisit son fusil d’assaut encore tiède. Vrooom. Putain, c’est juste un frère-éclaireur qui part faire sa ronde en moto ! Fin de l’alerte. Veronica a disparu.
05h15
Dans un luxueux appartement de Camden Court, un homme à l’allure soignée et en excellente condition physique est confortablement installé dans un épais canapé en peau synthétique, un verre de vodka à la main. Plusieurs comptes-rendus émanant d'un réseau de contacts qui lui sont très certainement redevables sont négligemment éparpillés devant lui, sur une sompteuse table basse.
— Monsieur ? Vous m’avez fait appeler ? interroge un domestique d’âge mûr vêtu d'un costume sombre, les traits tirés et les cheveux en fibres synthétiques grisonnants.
— Absolument ! Soyez gentil de bien vouloir contacter notre ami et de lui demander d’activer la bande d’edgerunners qu'il nous a récemment conseillé. Il est temps d’agir. Les serbes ont repris du service du côté des anciens docks et nous allons en profiter pour passer à l’action !
05h21 # Matt
La flamme du zippo zèbre l’obscurité pendant une seconde. Le bout de la cigarette s’enflamme et devient un timide point orangé. Un nuage au parfum pizza s’échappe de la bouche du fixer. Assis sur son lit, il observe la bouteille de vieux bourbon posée devant sa rétro-horloge. La lueur des chiffres passe à travers le précieux flacon et lui renvoie une belle couleur ocre. Des eddies, beaucoup, mais combien exactement pour ce pur nectar ? Faut que tu assures Matt, elle peut être ton ticket d’entrée pour le prochain marché de minuit. Une nouvelle bouffée. Son portable à clapet vibre. Trois mots échangés et l’interlocuteur raccroche. Il se retourne, secoue le fessier tatoué qui se trémousse doucement. Habille-toi, j’ai une course pour toi !
(...)
— Il est déjà informé, Monsieur. D'ailleurs, il vous fait dire que son équipe se remet d’une récente et difficile mission, mais qu’ils seront prêts le moment venu.
— Merveilleux !
— ... Monsieur ?
— Oui ?
— Eh bien ... S’ils ne semblent pas inintéressants, les profils de ces marginaux me paraissent quelque peu "inadaptés" face à pareille menace. Et que penser du caractère hétéroclite d'un tel groupe ? Êtes-vous convaincu de vouloir leur faire confiance ?
05h31 # Frag
Frag retire la sécurité de son flingue, et glisse son bras hors des draps. Trois fois qu’elle entend les mêmes pas devant sa porte. Son toy boy se retourne à côté d’elle mais reste endormi, trop con pour s'apercevoir de quelque chose. Un futur candidat pour un sac à viande ? Elle attend ... Les pas ralentissent devant sa porte. Elle pointe son Cityhunter, aligne la mire. Orbital Air ? Un booster en manque de came à la recherche d’une proie ? Quoi qu'il soit, il va bouffer du trait plat ! L’inconnu s’éloigne à nouveau. La jeune femme donne un coup dans les côtes de son partenaire d’un soir.
— Allez, bouges. Tu rentres chez toi !
— Quoi ? Mais ... mais putain, t’as vu l’heure ?! s’exclame le dark-punk couvert de piercings neo-chromés.
— T’as cru que le p’tit déj était offert par la maison ? Tu te crois chez ta mère ? Dégage, bordel !
L’homme règle son stud à zéro et enjambe la solo pour s’habiller à la va-vite. La main sur la poignée de la porte, il se retourne vers la silhouette complètement nue de son input. Dans son dos, elle cache son flingue, le doigt sur le pontet, le visage traversé par un sourire charmeur.
— ... Tu crois qu’on pourra se revoir ?
— Passes la lourde et on verra !
La tête dans le coaltar, le punk se résigne et finit par sortir. Frag se rapproche en prenant soin d'utiliser l’angle mort pour se protéger et attend un tir qui ne vient pas.
— Alors ?
— Gagné ! Recharge ton stud et appelle moi dans quelques jours, j’ai des choses à faire avant !
(...)
Le néo-dandy se resserre un verre de vodka, le regard emplie d’une énergie vive malgré l’heure avancée.
— Vous vouliez dire "inexpérimentés" sans doute, c'est bien ça ?!
— Certes, oui.
— Mais c’est justement là tout l’intérêt ! Ah oui, et tant que nous y sommes, vous les équiperez avec le matériel récupéré sur ce gang de détraqués ...
05h33 # Bruce
En dessous de la lampe chirurgicale, le bistouri s’attaque sans ménagement à la base du cou. Le reste du corps est écartelé comme une souris de laboratoire, et des agrafes séparent les chairs rouges découpées. Le cadavre ressemble à une plaie géante où un docteur fou aurait fouillé chaque recoin. Une pieuvre de nano-fils dont l’extrémité est accrochée quelque part dans la dépouille suppliciée pendouille sur le côté. Un biomoniteur recouvert de sang et d’autres implants souillés attendent dans une bassine en inox. Bruce s'essuie le front ; s’attaquer au système neuronal est toujours délicat. Si on bousille les connexions au cerveau, on peut dire au revoir les eddies. Déjà que Frag a fait de la marmelade de ce type ... Le medtech verse sur le dos de sa main droite une poudre aux reflets de quartz qu’il sniffe en fermant ses yeux fatigués. Maintenant, il peut poursuivre.
(...)
— Comment se font-ils appeler déjà ?
— Les "Never Twenty Five" Monsieur. Probablement parce que le quotidien au sein du quartier de Japantown ne permet guère d’espérer vivre davantage.
— Japantown vous dites ? ... N’est-ce pas là que se trouve le centre médical pour lequel nous avons récemment versé une somme rondelette afin de financer les réparations liées aux dernières inondations ?
— Tout à fait Monsieur, c’est bien lui.
— Je me souviens très bien de cette soirée caritative et du discours poignant de cette jeune corpo ; Anna je crois.
— Dois-je rappeler à Monsieur que la jeune femme a tenté de le joindre à plusieurs reprises ces dernières semaines.
— Je sais, je sais ... Mais je n'ai pas le temps pour ce genre de chose.
05h35 # Tépakap
Quelque part dans une des nombreuses zones de combat du centre-ville, Tépakap arrache enfin un armistice à l’insatiable Alex. Il se lève, mais à peine la trêve est-elle annoncée que le démon de minuit semble renaître de ses cendres. Il esquive un bras gracieux, repousse le torse aux seins parfaits qui se redresse devant lui, et tire le drap pour recouvrir la tentatrice aux 400 000 followers. Sous la lueur rose bonbon d’un néon en forme de strip-teaseuse, le tech se faufile entre des corps nus étendus sur la moquette imitation gazon anglais. Les invités dorment encore dans des positions obscènes, collés à leur partenaire d’une nuit. Il retrouve ça et là ses vêtements et quitte le conapt. Sitôt la porte claquée, le mahori s’appuie sur le mur du couloir. Le béton froid lui brûle l’épiderme, rendu sensible par tant de luxure. Il souffle tandis qu’un frisson parcourt son corps éreinté. Ses pansements, au bras et au ventre, sont maculés de sang. Il faut les refaire s’il veut récupérer rapidement. Téléphoner à Bruce ... Il repousse la cloison et s’élance. À chacun de ses pas dans ce tunnel sans fin, l’endorphine s’estompe un peu plus, libérant de leur léthargie ses neuro-transmetteurs. Cruellement, ils lui rappellent que ces putains de blessures ont bien failli lui coûter la vie. Téléphoner à Bruce et dormir mille ans ... Décidément, le repos n’est pas compatible avec ce genre de gonzesse.
(...)
L'homme s'enfonce un peu plus dans l'imposant canapé, délaissant un instant les rapports dispersés sur la table basse pour leur préférer la lecture des premiers screamsheets de la journée depuis son agent interne.
— ... Monsieur ?
— Oui, pardon. Si tout se passe comme prévu, les yougos ne devraient faire qu’une bouchée de notre petit groupe avant de s’intéresser au reste de la bande. Nous aurons dès lors toute latitude pour investir leur planque et nous raccorder au point d’accès.
— Je vois ... Votre SynthTech est-il prêt ?
— Ne vous inquiétez pas. Ce petit bijou m'a coûté une véritable fortune, à l’instar des informations à propos de ce nœud de contrôle encore actif d’ailleurs. Mais grâce à lui, je vais pouvoir faire abstraction de la masse d’informations qui vont transiter vers mon Deep Dive.
— ...
— Bon sang, ne faites pas cette tête, nous n'avons pas le choix ! Il nous faut impérativement accéder aux milliers de sous-réseaux de l’ancien Net si nous voulons rejoindre la Frontière.
— Mais à quel prix ?! Outre les risques pour votre propre personne, nous savons vous et moi que vous aurez beau tout tenter pour ramener cette ville à la raison, elle avance sans but logique depuis trop longtemps déjà.
— Nous en avons déjà parlé ... Et puis, introduire une goutte d’anarchie n’a jamais fait de mal lorsqu’il s’agit de déranger l’ordre en place, non ?
— ... Sans doute, Monsieur. Sans doute.
— Allez, nous avons assez perdu de temps ! N’oubliez pas que l'homme craint surtout ce qu'il ne peut voir, et je compte bien découvrir quels mystérieux secrets cache Netwatch et pourquoi ils collaborent aussi étroitement avec le NCPD et Night Corp. Faites en sorte que ces fugazi (1) entrent en action dès que possible et que les porte-flingues de Todorović sortent enfin de leur tanière, je m’occupe du reste.
— Très bien, Monsieur. C'est entendu, conclue l'IAAA dont la silhouette s'évanouie aussitôt l'holoprojecteur discrètement intégré au faux plafond éteint. Je me connecte immédiatement aux périphériques externes disponibles afin de transmettre vos instructions. Et puisque nous y sommes, je vais en profiter pour commander quelques prépacks de légumes frais ; vous n'aurez bientôt plus rien à manger.
06h35 # TJ
Le navajo grimace. Les rayons du soleil blessent son œil encore endormi. Adossé à la roue de son van, le cul dans la poussière, il grimace tandis qu’un goût de vomi remonte dans sa bouche en lui brûlant l'œsophage. Il râle et se débarrasse d’une canette vide. Autour de lui, le village de mobile homes flanqués d’un pictogramme de serpent se réveille doucement. À ses pieds, les braises rougeâtres d'un feu qui se meurt attirent son regard, cependant que l’esprit de Veronica apparaît au milieu de milliers d'étincelles qui tourbillonnent et s'élèvent vers le ciel, calme et résigné. La jeune militante n’est même pas en colère, pourtant il n’a pas su la protéger. Elle se lève et s'éloigne lentement en direction des habitations. Pan ! TJ sursaute tandis que sa main saisit son fusil d’assaut encore tiède. Vrooom. Putain, c’est juste un frère-éclaireur qui part faire sa ronde en moto ! Fin de l’alerte. Veronica a disparu.
1. acronyme américain de l'expression "Fucked Up, Got Ambushed, Zipped In", laquelle désigne les soldats tués lors d'embuscades pendant la guerre du Vietnam. Elle signifie littéralement "On les a foutus dans le pétrin, ils sont tombés dans une embuscade, ils se sont retrouvés dans des sacs à fermeture éclair", ces derniers étant utilisés pour rapatrier les corps des malheureux.
1. acronyme américain de l'expression "Fucked Up, Got Ambushed, Zipped In", laquelle désigne les soldats tués lors d'embuscades pendant la guerre du Vietnam. Elle signifie littéralement "On les a foutus dans le pétrin, ils sont tombés dans une embuscade, ils se sont retrouvés dans des sacs à fermeture éclair", ces derniers étant utilisés pour rapatrier les corps des malheureux.
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Bienvenue à Night City, Edgerunner ! Les mégacorporations ont passé ces dernières décennies à tout détruire et depuis, c’est chacun pour sa peau. Mais ce n'est pas un problème, vous pouvez gérer ; après tout, dans un monde envahie par la corruption, le crime organisé, la violence et les cultes de fin du monde nihilistes, il n’existe qu’une seule règle pour rester en vie : se tenir au bord du gouffre. Et si cela ne devait pas suffire, vous pourrez toujours compter sur l'automatique Militech connecté à l’interface de votre cerveau, vos poings équipés de lames en carboverre ainsi que votre cybervision pour percer l’épais brouillard et tracer votre route incandescente au cœur de l’Ère du Rouge.
Bienvenue à Night City, Edgerunner ! Les mégacorporations ont passé ces dernières décennies à tout détruire et depuis, c’est chacun pour sa peau. Mais ce n'est pas un problème, vous pouvez gérer ; après tout, dans un monde envahie par la corruption, le crime organisé, la violence et les cultes de fin du monde nihilistes, il n’existe qu’une seule règle pour rester en vie : se tenir au bord du gouffre. Et si cela ne devait pas suffire, vous pourrez toujours compter sur l'automatique Militech connecté à l’interface de votre cerveau, vos poings équipés de lames en carboverre ainsi que votre cybervision pour percer l’épais brouillard et tracer votre route incandescente au cœur de l’Ère du Rouge.
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