À TOUT JAMAIS
UNE NOUVELLE POUR HURLEMENTS
Temps de lecture : 3-5 minutes
Auteur : Récits Polyédriques © 2025
Cette courte nouvelle tente de dépeindre l'atmosphère si particulière qui caractérise le jeu de rôle sur table Hurlements, conte initiatique ceint dans la France du Moyen Âge au cours duquel les joueurs, membres d'une mystérieuse caravane de troubadours, vont découvrir nombre de secrets cachés derrière des sourires entendus ...
L'illustration sélectionnée pour l'occasion est une création de l'artiste français Olivier Ponsonnet, réputé pour ses réalisations en 3d à la beauté intemporelle et actuel directeur artistique des studios de développement de jeux vidéo Asobo.
Un pâle soleil d'hiver se lève de derrière les arbres. À travers les volutes de brouillard, l'homme en noir regarde les roulottes qui s'animent. Bientôt, le convoi s'ébranlera dans le petit jour et l'errance recommencera. Dissimulés par son grand chapeau, ses traits n'expriment ni lassitude, ni fatigue, ni même ennui. Il sait la quête loin d'être achevée, alors qu’il doit guider ses frères sur les routes dangereuses, à l'ombre du bûcher, des paysans, seigneurs ou prêtres, embourbés dans leurs superstitions, à mille lieux de comprendre ou ne serait-ce que d'admettre, les mystères de la caravane.
Un pâle soleil d'hiver se lève de derrière les arbres. À travers les volutes de brouillard, l'homme en noir regarde les roulottes qui s'animent. Bientôt, le convoi s'ébranlera dans le petit jour et l'errance recommencera. Dissimulés par son grand chapeau, ses traits n'expriment ni lassitude, ni fatigue, ni même ennui. Il sait la quête loin d'être achevée, alors qu’il doit guider ses frères sur les routes dangereuses, à l'ombre du bûcher, des paysans, seigneurs ou prêtres, embourbés dans leurs superstitions, à mille lieux de comprendre ou ne serait-ce que d'admettre, les mystères de la caravane.
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Ce matin, tout est gris et triste. Les rires se sont éteints, les lumières ont disparu et je reste seul, là, dans la clairière abandonnée. Quelques bribes de souvenirs - déjà ! - traînent encore devant mes yeux : les danses et les chants autour du feu, les courses éperdues dans la neige, les entraînements épuisants sous la pleine lune, les joies simples et éphémères. Mais les visages s'estompent, leurs traits se brouillent ...
Ce matin, la caravane est repartie. Sans moi.
Le Veneur, le dernier, s'est retourné dans ma direction et a posé sur moi son regard sans âge une ultime fois, longuement, avec quelque chose de semblable à de la peine mêlée d'espoir. Comme si son poids seul pouvait me faire courir le rejoindre et tout effacer pour tout reprendre depuis le début, à la manière de notre première rencontre. Avant lui, mes frères ont bien tenté de me retenir, tantôt suppliants, tantôt menaçants. En vain. Ma décision était prise. Définitivement. L'un après l'autre, ils se sont détournés, tristement ou avec rage. Puis les roulottes se sont de nouveau ébranlées et ils se sont mis en route, lentement, presque à regret. Et l'homme en noir, le dernier, s’est détourné avant de s'enfoncer dans la forêt.
Mais je ne pouvais pas les suivre. Je devais rester. Pour elle.
Il l'avait ramené parmi nous un soir, petite boule de poils craintive et tremblante. Un seul de ses regards avait suffi. Au début, Elle a souvent ri de ma balourdise, elle si agile et si fine. Je revois encore nos parties de cache-cache. Jamais je ne gagnais, bien sûr, sauf lorsqu'elle me laissait l’occasion de la trouver ... Trop brefs moments de bonheur, qui s'effilochent déjà dans ma mémoire. Comment les retenir, les retrouver ? Même son visage si délicat commence à devenir flou. Dormir, rêver, reprendre tout avec elle au matin du premier jour, pour ne pas oublier, pour ne pas la perdre une seconde fois.
Mais cette nuit, à nouveau, le sommeil n’a cessé de me fuir.
Il a brisé notre rêve, brusquement, sans raison, négligemment, comme on écrase une fleur entre ses doigts, sans presque y prêter attention. Par jalousie peut-être, devant son éclat et sa joie toute simple. Je l'ai cherchée longtemps, sans inquiétude, croyant à l'un de ses jeux. Puis je l'ai retrouvée, meurtrie et souillée par un crime honteux, entourée de mes frères et de la lueur de leurs torches. D’aucun n’a pu me retenir. La vengeance s’est montrée si facile. Un instant d'inattention de sa part et il gisait là, à mes pieds, son sang coulant à flots, apaisant un court moment ma colère et ma haine, mais laissant brûlants le désespoir et la douleur, n'apportant ni le plaisir, ni le repos.
Elle est partie à jamais, sans espoir de retour. Et moi, je l'ai trahie, abandonnée.
Le Veneur a stoppé d'un geste les loups qui se ruaient sur moi, fous de rage, sans savoir, son comprendre mon manque de réaction. Maintenant qu'ils savent, certains ont peut-être compris mon geste, mais qu'importe. Ils sont trop loin désormais. Puis la Bête est venue, sombre, rampante, telle une ombre dans les ombres, surgissant dans mes rêves avec elle, qui n'en avait que plus de lumière et de chaleur, jusqu'à en devenir insupportable. Je m'éveillai alors en hurlant, maîtrisé à grand peine, incompris de mes frères. Elle est revenue d'autres nuits, sournoisement, avec des mots d'oubli, insidieuse, tentatrice, envoûtante, promettant le calme et la paix. Je n’ai pas voulu l'écouter, la croire, la suivre.
Qu'avait-elle pu faire pour elle ? Qu'aurait-elle pu faire pour moi ?
Je l'ai enterrée au petit matin en un lieu calme et ombragé situé un peu à l'écart du village. J'ai rassemblé seul les pierres pour recouvrir sa tombe et la protéger des bêtes sauvages, refusant leur aide. C'était à moi de le faire. À moi seul. Je lui devais ces derniers moments, puisque je n'avais pu être là à temps pour la défendre, pour la sauver. Mais tout va mieux à présent. La Bête n'est plus jamais revenue, elle a dû se résigner, et les paysans vont bientôt arriver. J'ai fini de creuser. Il ne me reste plus qu’à m’allonger de nouveau à ses côtés et la rejoindre, enfin ...
... pour toujours.
Ce matin, l'homme en noir a laissé la caravane partir devant lui. Il a pris une autre route, les traits dissimulés par son grand chapeau. Ce soir, un grand spectacle va être organisé au village voisin et les bateleurs, saltimbanques et autres jongleurs vont faire beaucoup d'heureux. Il a posé une dernière fois son regard sans âge sur son frère alors que les roulottes quittaient la clairière, puis s’est détourné avant de s'enfoncer dans la forêt, profonde et sombre. Au loin, ont entendait une longue plainte s'élever ... un interminable hurlement.
Ce matin, tout est gris et triste. Les rires se sont éteints, les lumières ont disparu et je reste seul, là, dans la clairière abandonnée. Quelques bribes de souvenirs - déjà ! - traînent encore devant mes yeux : les danses et les chants autour du feu, les courses éperdues dans la neige, les entraînements épuisants sous la pleine lune, les joies simples et éphémères. Mais les visages s'estompent, leurs traits se brouillent ...
Ce matin, la caravane est repartie. Sans moi.
Le Veneur, le dernier, s'est retourné dans ma direction et a posé sur moi son regard sans âge une ultime fois, longuement, avec quelque chose de semblable à de la peine mêlée d'espoir. Comme si son poids seul pouvait me faire courir le rejoindre et tout effacer pour tout reprendre depuis le début, à la manière de notre première rencontre. Avant lui, mes frères ont bien tenté de me retenir, tantôt suppliants, tantôt menaçants. En vain. Ma décision était prise. Définitivement. L'un après l'autre, ils se sont détournés, tristement ou avec rage. Puis les roulottes se sont de nouveau ébranlées et ils se sont mis en route, lentement, presque à regret. Et l'homme en noir, le dernier, s’est détourné avant de s'enfoncer dans la forêt.
Mais je ne pouvais pas les suivre. Je devais rester. Pour elle.
Il l'avait ramené parmi nous un soir, petite boule de poils craintive et tremblante. Un seul de ses regards avait suffi. Au début, Elle a souvent ri de ma balourdise, elle si agile et si fine. Je revois encore nos parties de cache-cache. Jamais je ne gagnais, bien sûr, sauf lorsqu'elle me laissait l’occasion de la trouver ... Trop brefs moments de bonheur, qui s'effilochent déjà dans ma mémoire. Comment les retenir, les retrouver ? Même son visage si délicat commence à devenir flou. Dormir, rêver, reprendre tout avec elle au matin du premier jour, pour ne pas oublier, pour ne pas la perdre une seconde fois.
Mais cette nuit, à nouveau, le sommeil n’a cessé de me fuir.
Il a brisé notre rêve, brusquement, sans raison, négligemment, comme on écrase une fleur entre ses doigts, sans presque y prêter attention. Par jalousie peut-être, devant son éclat et sa joie toute simple. Je l'ai cherchée longtemps, sans inquiétude, croyant à l'un de ses jeux. Puis je l'ai retrouvée, meurtrie et souillée par un crime honteux, entourée de mes frères et de la lueur de leurs torches. D’aucun n’a pu me retenir. La vengeance s’est montrée si facile. Un instant d'inattention de sa part et il gisait là, à mes pieds, son sang coulant à flots, apaisant un court moment ma colère et ma haine, mais laissant brûlants le désespoir et la douleur, n'apportant ni le plaisir, ni le repos.
Elle est partie à jamais, sans espoir de retour. Et moi, je l'ai trahie, abandonnée.
Le Veneur a stoppé d'un geste les loups qui se ruaient sur moi, fous de rage, sans savoir, son comprendre mon manque de réaction. Maintenant qu'ils savent, certains ont peut-être compris mon geste, mais qu'importe. Ils sont trop loin désormais. Puis la Bête est venue, sombre, rampante, telle une ombre dans les ombres, surgissant dans mes rêves avec elle, qui n'en avait que plus de lumière et de chaleur, jusqu'à en devenir insupportable. Je m'éveillai alors en hurlant, maîtrisé à grand peine, incompris de mes frères. Elle est revenue d'autres nuits, sournoisement, avec des mots d'oubli, insidieuse, tentatrice, envoûtante, promettant le calme et la paix. Je n’ai pas voulu l'écouter, la croire, la suivre.
Qu'avait-elle pu faire pour elle ? Qu'aurait-elle pu faire pour moi ?
Je l'ai enterrée au petit matin en un lieu calme et ombragé situé un peu à l'écart du village. J'ai rassemblé seul les pierres pour recouvrir sa tombe et la protéger des bêtes sauvages, refusant leur aide. C'était à moi de le faire. À moi seul. Je lui devais ces derniers moments, puisque je n'avais pu être là à temps pour la défendre, pour la sauver. Mais tout va mieux à présent. La Bête n'est plus jamais revenue, elle a dû se résigner, et les paysans vont bientôt arriver. J'ai fini de creuser. Il ne me reste plus qu’à m’allonger de nouveau à ses côtés et la rejoindre, enfin ...
... pour toujours.
Ce matin, l'homme en noir a laissé la caravane partir devant lui. Il a pris une autre route, les traits dissimulés par son grand chapeau. Ce soir, un grand spectacle va être organisé au village voisin et les bateleurs, saltimbanques et autres jongleurs vont faire beaucoup d'heureux. Il a posé une dernière fois son regard sans âge sur son frère alors que les roulottes quittaient la clairière, puis s’est détourné avant de s'enfoncer dans la forêt, profonde et sombre. Au loin, ont entendait une longue plainte s'élever ... un interminable hurlement.
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Hurlements est un jeu de rôle initiatique où les secrets revêtent une importance toute particulière. Écrit par Jean-Luc et Valérie Bizien, illustré par Benoît Dufour, il a été publié par les regrettées Éditions Dragon Radieux en janvier 1989. Scénario après scénario, les joueurs vont progressivement trouver des réponses à leurs questions, mais d'autres viendront alors, aussi essentielles et prenantes ... Les règles se veulent particulièrement simples, presque invisibles, afin de privilégier l’immersion. À la fois historique, mystique et onirique, c'est un jeu d’ambiance qui favorise l'atmosphère et les échanges, et dont l’expérience vaut vraiment la peine d’être vécue !
Hurlements est un jeu de rôle initiatique où les secrets revêtent une importance toute particulière. Écrit par Jean-Luc et Valérie Bizien, illustré par Benoît Dufour, il a été publié par les regrettées Éditions Dragon Radieux en janvier 1989. Scénario après scénario, les joueurs vont progressivement trouver des réponses à leurs questions, mais d'autres viendront alors, aussi essentielles et prenantes ... Les règles se veulent particulièrement simples, presque invisibles, afin de privilégier l’immersion. À la fois historique, mystique et onirique, c'est un jeu d’ambiance qui favorise l'atmosphère et les échanges, et dont l’expérience vaut vraiment la peine d’être vécue !
Hurlements est un jeu de rôle initiatique où les secrets revêtent une importance toute particulière. Écrit par Jean-Luc et Valérie Bizien, illustré par Benoît Dufour, il a été publié par les regrettées Éditions Dragon Radieux en janvier 1989. Scénario après scénario, les joueurs vont progressivement trouver des réponses à leurs questions, mais d'autres viendront alors, aussi essentielles et prenantes ... Les règles se veulent particulièrement simples, presque invisibles, afin de privilégier l’immersion. À la fois historique, mystique et onirique, c'est un jeu d’ambiance qui favorise l'atmosphère et les échanges, et dont l’expérience vaut vraiment la peine d’être vécue !