RETOUR D'ÉGYPTE
UNE NOUVELLE POUR L'APPEL DE CTHULHU
Temps de lecture : 4-6 minutes
Auteur : Récits Polyédriques © 2025
Cette seconde nouvelle, destinée à enrichir l’univers étendu d'une campagne originale consacrée aux membres de l'ordre de la clef d'Argent, nous rappelle à quel point le Mythe se veut à la fois intemporel et universel, si bien que certains voyageurs ramènent parfois dans leurs bagages bien plus que de simples souvenirs ...
L'illustration sélectionnée pour l'occasion est l'œuvre de l'artiste et graphiste conceptuel britannique Timothy Rodriguez, lequel travaille pour la société d'effets séciaux américaine Industrial Light & Magic. Il a collaboré sur de nombreuses franchises à succès, telles que Aladdin 2019, Doctor Strange ou The Avengers : Infinity War.
Arrière, va-t'en ! Arrière, crocodile, je vis de ma puissance magique ! Ne me fais pas dire ton nom que voici aux grands dieux qui t'ont fait venir ; le Caché en est un, l'Inconnaissable en est un autre, toi qui rampe et chuchotes dans les ténèbres, à travers le Temps et les Espaces. Isfty vicieux et mauvais, qui lorsque les astres sont propices, surgit des ombres antiques pour répandre son savoir impie, le front couvert de ton sceau écarlate. Je le sais, l'ordre et l'équilibre disparaissent sur ton passage, et laissent la place au dévoiement et à l'injustice. Arrière, ne viens pas contre moi ! Mets-toi en quête d'un autre héritier et que ton visage se tourne vers Maât.
Extrait du papyrus de louef-Ânkh, traduit par Karl Richard Lepsius
Arrière, va-t'en ! Arrière, crocodile, je vis de ma puissance magique ! Ne me fais pas dire ton nom que voici aux grands dieux qui t'ont fait venir ; le Caché en est un, l'Inconnaissable en est un autre, toi qui rampe et chuchotes dans les ténèbres, à travers le Temps et les Espaces. Isfty vicieux et mauvais, qui lorsque les astres sont propices, surgit des ombres antiques pour répandre son savoir impie, le front couvert de ton sceau écarlate. Je le sais, l'ordre et l'équilibre disparaissent sur ton passage, et laissent la place au dévoiement et à l'injustice. Arrière, ne viens pas contre moi ! Mets-toi en quête d'un autre héritier et que ton visage se tourne vers Maât.
Extrait du papyrus de louef-Ânkh, traduit par Karl Richard Lepsius
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Il fait nuit noire lorsque je suis tiré de mon sommeil par les ongles d’Alessa qui s’enfoncent dans mon avant-bras. Elle me secoue brutalement, sa main droite sur mon épaule, et me souffle une phrase que je ne comprends pas. Je l’ignore alors, mais il est déjà trop tard. Totalement désorienté, perdu dans les ténèbres qui envahissent la pièce, mon esprit refait lentement surface : ... notre chambre, la maison ... nous sommes rentrés chez nous. Je n'essaie même pas d'atteindre la lampe de chevet ou de regarder l'heure sur l’horloge ; le gaz d’éclairage n’a toujours pas été rétabli depuis notre retour. Le corps ankylosé, je peine à émerger, la tête encore emplie de dunes de sable qui s’étendent à perte de vue, de temples millénaires, et de cette remarquable découverte épargnée par les pilleurs. Je fixe la fenêtre en face du lit en clignant des yeux et attends de m’habituer à la pénombre. Un terrible orage secoue les arbres centenaires qui entourent la vieille bâtisse. Le ciel gronde et se zèbre, fendu par d’immenses lignes lumineuses, tandis que la pluie, fouettée par les rafales de vent, crée une étrange musique qui m'évoque les sifflements de flûtes blasphématoires, accompagnés des roulements de tambours devenus fous. Un instant décontenancé par cette danse macabre aux influences malsaines, à l'évidence bien incapable de raisonner aussi clairement qu'à l'habitude, je me redresse péniblement, avant d'être ébloui par un nouvel éclair qui projette des ombres sur les murs.
— Quelqu'un frappe à la porte, me chuchote-t-elle, le regard fixé sur le couloir plongé dans l'obscurité.
— Tu es sûre que ce n’est pas l'orage ?
— Non, il y a quelqu'un en bas qui tambourine.
— Alessa, mon ange, pourquoi viendrait-on jusqu’ici pour nous déranger en pleine nuit ?
— Victor, il y a quelqu'un en bas, je te dis ! Tu devrais aller voir, insiste-t-elle d'une voix éraillée.
Je sors du lit en grommelant et m'avance à la fenêtre. Sur le perron de pierres usées, juste en dessous de nous, je distingue effectivement une silhouette ramassée, assaillie par de véritables trombes d'eau, qui paraît marteler notre porte d'entrée avec l’énergie du désespoir. Cette vision, tant singulière qu'inquiétante, finit de me réveiller. Intrigué, je traverse la chambre à tâtons pour me rendre au rez-de-chaussée et tirer cette histoire au clair, un début de malaise au creux du ventre.
— Ne t’inquiète pas, je reviens. Surtout ne bouge pas, reste ici.
Je navigue maladroitement dans le petit couloir menant à l'escalier, un peu déboussolé au milieu de cette multitude de pièces pourtant si familières, quoi que trop longtemps délaissées depuis ce télégramme du professeur Firth et notre voyage au cœur du complexe funéraire de Djéser ; ces mois passés dans la nécropole de Memphis à fouiller le tombeau miraculeusement intact du roi Netjerikhet, fondateur de l'Ancien Empire et bâtisseur de la pyramide à degrés de Saqqarah, la première construite en Égypte. Dehors, les cris confus et indistincts, ainsi que les tambourinements frénétiques, redoublent d'intensité. Encore engourdi, je descends les marches grinçantes et vois notre chatte Cassie, les poils hérissés, serpenter rapidement entre les meubles du salon avant de disparaitre, manifestement agacée par toute cette cacophonie. Une fois dans le séjour, j'esquive prudemment les bagages et autres malles de voyages empilés ça et là. Sur la table, parmi les nombreux trésors vieux de plusieurs milliers d’années récemment arrachés à leur propriétaire, repose une caisse à outils. Je la fouille précipitamment, cherchant de quoi me défendre, mais constate avec regrès que son contenu se destine davantage aux petites réparations. Je soupèse malgré tout un marteau, et convaincu par ce dernier, m'avance vers l'entrée d'où je perçois à présent les protestations énigmatiques d'une femme en pleurs. Désemparé, je pose lentement une main sur la poignée tandis que l'autre se resserre autour du manche en bois. Mais aussitôt la serrure déverrouillée, la porte me percute violemment, laissant l’inconnue se précipiter à l'intérieur, suivie par le vent et la pluie. Aveuglé par le sang chaud qui coule de mon arcade ouverte, j'agite désespérément les bras devant moi, si bien qu’au bout de quelques secondes, je heurte quelque chose avec un bruit sourd ; elle hurle mon nom d'une voix déchirante que je reconnais immédiatement, alors qu'un éclair diaphane illumine brièvement les traits de son visage ruisselant.
— Victor ! Victor Segwick ! C’est moi, c'est ta femme, Alessa !
— ... Alessa, c’est toi ?
— Tu ne te réveillais pas, du coup je suis descendue, et cette "chose" m'a attiré à l'extérieur ! Ça fait un quart d'heure que j'essaie de te prévenir qu'elle est dans la maison !
— Mais que dis-tu ? Qui est dans la maison ?!
C’est alors qu’un feulement effrayant provenant du salon resté sans lumière nous fait sursauter : Bastet, fille du roi des dieux Amon, de son vrai nom Imen achâ renou, ou "Amon aux noms multiples, le Caché, l’Inconnaissable", masse sombre au regard brûlant, nous toise fixement de sous le buffet où elle a trouvé refuge, cependant que derrière nous, dans les ténèbres insondables et le tumulte ambiant, les marches de l’escalier craquent doucement ...
Il fait nuit noire lorsque je suis tiré de mon sommeil par les ongles d’Alessa qui s’enfoncent dans mon avant-bras. Elle me secoue brutalement, sa main droite sur mon épaule, et me souffle une phrase que je ne comprends pas. Je l’ignore alors, mais il est déjà trop tard. Totalement désorienté, perdu dans les ténèbres qui envahissent la pièce, mon esprit refait lentement surface : ... notre chambre, la maison ... nous sommes rentrés chez nous. Je n'essaie même pas d'atteindre la lampe de chevet ou de regarder l'heure sur l’horloge ; le gaz d’éclairage n’a toujours pas été rétabli depuis notre retour. Le corps ankylosé, je peine à émerger, la tête encore emplie de dunes de sable qui s’étendent à perte de vue, de temples millénaires, et de cette remarquable découverte épargnée par les pilleurs. Je fixe la fenêtre en face du lit en clignant des yeux et attends de m’habituer à la pénombre. Un terrible orage secoue les arbres centenaires qui entourent la vieille bâtisse. Le ciel gronde et se zèbre, fendu par d’immenses lignes lumineuses, tandis que la pluie, fouettée par les rafales de vent, crée une étrange musique qui m'évoque les sifflements de flûtes blasphématoires, accompagnés des roulements de tambours devenus fous. Un instant décontenancé par cette danse macabre aux influences malsaines, à l'évidence bien incapable de raisonner aussi clairement qu'à l'habitude, je me redresse péniblement, avant d'être ébloui par un nouvel éclair qui projette des ombres sur les murs.
— Quelqu'un frappe à la porte, me chuchote-t-elle, le regard fixé sur le couloir plongé dans l'obscurité.
— Tu es sûre que ce n’est pas l'orage ?
— Non, il y a quelqu'un en bas qui tambourine.
— Alessa, mon ange, pourquoi viendrait-on jusqu’ici pour nous déranger en pleine nuit ?
— Victor, il y a quelqu'un en bas, je te dis ! Tu devrais aller voir, insiste-t-elle d'une voix éraillée.
Je sors du lit en grommelant et m'avance à la fenêtre. Sur le perron de pierres usées, juste en dessous de nous, je distingue effectivement une silhouette ramassée, assaillie par de véritables trombes d'eau, qui paraît marteler notre porte d'entrée avec l’énergie du désespoir. Cette vision, tant singulière qu'inquiétante, finit de me réveiller. Intrigué, je traverse la chambre à tâtons pour me rendre au rez-de-chaussée et tirer cette histoire au clair, un début de malaise au creux du ventre.
— Ne t’inquiète pas, je reviens. Surtout ne bouge pas, reste ici.
Je navigue maladroitement dans le petit couloir menant à l'escalier, un peu déboussolé au milieu de cette multitude de pièces pourtant si familières, quoi que trop longtemps délaissées depuis ce télégramme du professeur Firth et notre voyage au cœur du complexe funéraire de Djéser ; ces mois passés dans la nécropole de Memphis à fouiller le tombeau miraculeusement intact du roi Netjerikhet, fondateur de l'Ancien Empire et bâtisseur de la pyramide à degrés de Saqqarah, la première construite en Égypte. Dehors, les cris confus et indistincts, ainsi que les tambourinements frénétiques, redoublent d'intensité. Encore engourdi, je descends les marches grinçantes et vois notre chatte Cassie, les poils hérissés, serpenter rapidement entre les meubles du salon avant de disparaitre, manifestement agacée par toute cette cacophonie. Une fois dans le séjour, j'esquive prudemment les bagages et autres malles de voyages empilés ça et là. Sur la table, parmi les nombreux trésors vieux de plusieurs milliers d’années récemment arrachés à leur propriétaire, repose une caisse à outils. Je la fouille précipitamment, cherchant de quoi me défendre, mais constate avec regrès que son contenu se destine davantage aux petites réparations. Je soupèse malgré tout un marteau, et convaincu par ce dernier, m'avance vers l'entrée d'où je perçois à présent les protestations énigmatiques d'une femme en pleurs. Désemparé, je pose lentement une main sur la poignée tandis que l'autre se resserre autour du manche en bois. Mais aussitôt la serrure déverrouillée, la porte me percute violemment, laissant l’inconnue se précipiter à l'intérieur, suivie par le vent et la pluie. Aveuglé par le sang chaud qui coule de mon arcade ouverte, j'agite désespérément les bras devant moi, si bien qu’au bout de quelques secondes, je heurte quelque chose avec un bruit sourd ; elle hurle mon nom d'une voix déchirante que je reconnais immédiatement, alors qu'un éclair diaphane illumine brièvement les traits de son visage ruisselant.
— Victor ! Victor Segwick ! C’est moi, c'est ta femme, Alessa !
— ... Alessa, c’est toi ?
— Tu ne te réveillais pas, du coup je suis descendue, et cette "chose" m'a attiré à l'extérieur ! Ça fait un quart d'heure que j'essaie de te prévenir qu'elle est dans la maison !
— Mais que dis-tu ? Qui est dans la maison ?!
C’est alors qu’un feulement effrayant provenant du salon resté sans lumière nous fait sursauter : Bastet, fille du roi des dieux Amon, de son vrai nom Imen achâ renou, ou "Amon aux noms multiples, le Caché, l’Inconnaissable", masse sombre au regard brûlant, nous toise fixement de sous le buffet où elle a trouvé refuge, cependant que derrière nous, dans les ténèbres insondables et le tumulte ambiant, les marches de l’escalier craquent doucement ...
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Au sortir de la Grande Guerre, alors qu’un sentiment irrépressible de liberté résonne déjà, les membres de l'ordre de la clef d'Argent sillonnent le monde dans l'espoir de percer les sombres secrets du Mythe. Tous savent que l'empereur noir de l'éternelle cité des Contrées du Rêve profite de cette parenthèse enchantée pour préparer son avènement, prochain souverain secret qui ne laissera aucune chance à la paix. Unissant leurs forces pour tenter d'empêcher l’inéluctable, ils n'ont d'autre choix que d'exhumer de terribles savoirs impies que l’on croyait à jamais oubliés, croisant la route d’investigateurs pour le moins inattendus, dont Franklin Roosevelt, J. R. R. Tolkien ou Nikola Tesla ...
Au sortir de la Grande Guerre, alors qu’un sentiment irrépressible de liberté résonne déjà, les membres de l'ordre de la clef d'Argent sillonnent le monde dans l'espoir de percer les sombres secrets du Mythe. Tous savent que l'empereur noir de l'éternelle cité des Contrées du Rêve profite de cette parenthèse enchantée pour préparer son avènement, prochain souverain secret qui ne laissera aucune chance à la paix. Unissant leurs forces pour tenter d'empêcher l’inéluctable, ils n'ont d'autre choix que d'exhumer de terribles savoirs impies que l’on croyait à jamais oubliés, croisant la route d’investigateurs pour le moins inattendus, dont Franklin Roosevelt, J. R. R. Tolkien ou Nikola Tesla ...
Au sortir de la Grande Guerre, alors qu’un sentiment irrépressible de liberté résonne déjà, les membres de l'ordre de la clef d'Argent sillonnent le monde dans l'espoir de percer les sombres secrets du Mythe. Tous savent que l'empereur noir de l'éternelle cité des Contrées du Rêve profite de cette parenthèse enchantée pour préparer son avènement, prochain souverain secret qui ne laissera aucune chance à la paix. Unissant leurs forces pour tenter d'empêcher l’inéluctable, ils n'ont d'autre choix que d'exhumer de terribles savoirs impies que l’on croyait à jamais oubliés, croisant la route d’investigateurs pour le moins inattendus, dont Franklin Roosevelt, J. R. R. Tolkien ou Nikola Tesla ...